Olivier Caïra énonce dans son essai : les Forges de la fiction un principe fondamental dans l’activité rôliste, c’est son incomplétude.

C’est indissociable d’une activité participative et créative.

Comment pourrait-il en être autrement ? Que tout soit écrit à l’avance est tout bonnement impensable si on veut conserver un tant soit peu de potentialité dans notre pratique (ce qui est tout aussi fondamental).

Cette incomplétude se manifeste principalement dans l’exploration de l’univers ou plus précisément de la fiction :

Bien malin celui qui pourra prévoir que les joueurs vont demander en quel matériau est l’urne sur la cheminée des voisins de l’antagoniste de l’histoire.

L’exhaustivité n’étant pas rôlistique, partons du principe que l’improvisation est donc indispensable à notre activité si l’on ne veut pas déclencher des conflits entre autorité des joueurs sur les actes des protagonistes et autorité du MJ sur l’histoire (cf. le truc impossible avant le p’tit dèj.).

Ce qui m’amène à me demander : si le JDR est incomplet, qu’est-ce qui dans un texte de jeu vaut la peine d’être écrit ?

Est-ce que savoir que les portes de tel univers sont en bois a un quelconque intérêt pour le lecteur (puisque c’est le cas de la majorité des portes). Ne peut-on pas laisser le MJ improviser ces détails au besoin ?

Ce qui mérite d’être proposé, ce sont des semences fertiles, des idées qui induiront par elles-mêmes des germinations, qui engendreront des embranchements de possibilités que le MJ et les joueurs pourront combler en improvisant, en s’appropriant les pistes lancées par ces idées et en jouant avec, en les réifiant. (Un excellent exemple de ce qu’est la réification sur cet article du regretté Erick Wujcik).

Ce qui mérite d’être développé, c’est ce qui aura demandé suffisamment de réflexion pour être créé, de sorte qu’il serait difficile de l’improviser pendant une partie.

Savoir quelles sont les moeurs et les règles sociales dans une région du monde, ça, ça peut valoir le coup, si le jeu permet de s’y intéresser.

Mais détailler rue par rue une ville qui ressemble à toutes les villes du genre, c’est peu fertile pour nos parties. Toute information qui ne marque pas une différence avec le monde et l’époque dans lesquels nous vivons, ou avec les mondes et fictions qui font référence dans le genre (le Seigneur des anneaux pour du médiéval fantastique, Starwars pour du space opera etc.) n’a pas d’intérêt à être proposée dans un texte de JDR (hormis pour initier à ces genres ou pour permettre une célébration de l’oeuvre référente en question).

Certains jeux comme Dirty Secrets proposent carrément de jouer dans une ville que les joueurs connaissent bien. De cette façon, le texte de jeu se passe de tout le background que l’on trouve dans la plupart des jeux au point qu’on finit par croire que c’est indispensable.

Enfin, la créativité autour de la table sera galvanisée si elle est collaborative. En rebondissant sur les propositions des autres, on parvient à créer des choses qu’un MJ aurait bien du mal à préparer seul. Il existe de nombreuses techniques qui permettent de cadrer la créativité des joueurs et de créer une synergie autour de la table.

Si vous avez des doutes à ce sujet, je vous propose d’essayer Prosopopée, Polaris Chvalric tragedy at the Utmost north, Zombie Cinema

Donc, pour résumer : Créer un univers doit se faire en terme d’orientations, d’élans qui aideront le groupe à combler les manques et non en terme d’exhaustivité, ce qui est naturellement impossible. Concentrez-vous sur les grandes lignes, les fondements, les idées qui aideront à combler la fiction quand nécessaire et surtout, ce qui peut vraiment être exploré par les personnages.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.