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Écrire des jeux de rôle me passionne depuis toujours, ou presque. J’ai écrit mes premiers simulacres de JDR quand j’avais 11 ans et mon premier jeu de rôle « jouable » à l’âge de 13 ans. Depuis, je me suis essayé à la BD, à la vidéo, au jeu vidéo et autres formes narratives. Et depuis quelques années, je voue un véritable engouement au JDR.

Voici ce que j’aime dans la pratique et la création de JDR :

La fiction

Tout d’abord, je ne suis pas particulièrement passionné par les jeux en général, qu’il s’agisse de jeux de plateau, de cartes ou jeux vidéo (malgré une adolescence baignée de jeux vidéo). Ce qui me passionne dans le JDR, c’est la fiction, le fait de la préparer, de la créer, certes, mais surtout, d’interagir avec elle d’une manière intime. Qu’un choix d’un joueur puisse influer sur les événements de l’histoire m’a toujours fasciné et les histoires – de toutes formes – ont toujours été ma première passion. Le JDR permet de les appréhender d’une façon vraiment unique : en se projetant dans les personnages qui la tissent par leurs actions. Ainsi, les doutes d’un personnage, sa motivation, ses découvertes, ses projets, les risques qu’il encourt… peuvent également être ceux du joueur.

Le lien n’est plus seulement de l’empathie pour le personnage, on devient responsable de ses actes et de ce qui lui arrive, quand on échoue, on sent le poids de l’échec sur nos épaules. Quand on sacrifie quelque chose d’important, on endosse les conséquences de notre choix et la culpabilité.

Et ça, c’est une révolution dans le champ de la fiction. Le jeu vidéo est loin de permettre ce jeu avec la fiction et avec l’histoire que permet le JDR.

Le partage

Le JDR est une activité qui se partage et trouve-t-on plus grande satisfaction que celle d’explorer avec un groupe d’amis une intrigue, un monde, un système et des personnages que l’on a soi-même créés ou que l’on crée ensemble ? La découverte d’une évolution inattendue à une histoire dans laquelle on joue les principaux acteurs peut donner lieu à de grands moments de convivialité et de partage.

On ne partage pas que du plaisir, mais toutes formes d’émotions et d’idées politiques, philosophiques. On se dévoile aussi, d’une manière ou d’une autre.

Un romancier, un cinéaste ont généralement des retours et des réactions différées du moment où le public reçoit leurs œuvres. En JDR, le retour est immédiat. L’expression, la lueur dans le regard du joueur, les éclats de rire, tout cela est précieux pour moi. De plus, à la différence du théâtre, on est tous à la fois créateur et spectateur, et les meilleures parties génèrent une véritable alchimie autour de la table.

Une communauté active et enthousiaste me permet, notamment avec un cercle d’amis, de profiter tout les jours d’une émulation enrichissante et motivante que j’ai difficilement trouvé dans d’autres activités. Je me fais également un devoir de partager mes expériences d’auteur, de concepteur de jeu, avec d’autres. D’aider à la conception de jeu etc. Et cela crée et renforce des liens et nous procure une grande satisfaction.

L’interactivité

La dimension ludique du JDR permet de se projeter dans son personnage comme jamais. Le « jeu » du JDR, n’est pour moi qu’un moyen de modifier son rapport à la fiction. Cela crée une immense potentialité des histoires et de l’évolution des fictions, de donner du sens aux actes, de s’interroger sur le monde qui nous entoure, de faire sienne les motivations, les ambitions et les causes des personnages et d’embrasser d’autres points de vue.

C’est aussi l’occasion pour moi, en tant qu’auteur, de permettre à d’autres d’explorer des émotions, des idées, de faire des expériences en s’impliquant personnellement et en mettant du sien. Les cinéastes et les romanciers jouent énormément avec leur public, je suis sûr qu’ils rêveraient de pouvoir interagir avec le lecteur ou le spectateur de la façon que l’on a de le faire en JDR :

« Je veux donner aux spectateurs une ébauche de scène. Si vous leur en dites trop, ils n’y apporteront rien d’eux-mêmes. Proposez-leur juste une suggestion, et vous les ferez travailler avec vous. C’est ce qui donne son sens au théâtre : quand il devient un acte social. » (Orson Welles 1938)

Comme une partie de JDR exploite la créativité de tous ses participants, on peut y explorer des choses imprévues, voire, prendre en compte toute la subtilité et la sensibilité des choix des joueurs, contrairement aux médiums interactifs rigides où tout doit être prévu à l’avance, comme les jeux vidéo : donner des conséquences à des actions que l’on n’imaginait pas ; développer les recoins insoupçonnés d’un monde ; trouver des solutions qui dépassent l’entendement de l’auteur même du jeu ; et surtout, mettre les cerveaux de plusieurs personnes en ébullition au cours d’histoires qu’elles sont en train de vivre. Cela permet de créer du Positionnement, c’est à dire, de faire des choix des personnages ceux des joueurs – et de les placer au cœur du jeu.

Que mes propres créations soient un cadre dans lequel la créativité des joueurs et du MJ s’exprime me permet de partager un matériau fictionnel unique, avec mon empreinte, qu’ils s’approprieront à leur sauce. Et cela me procure beaucoup de bonheur.

Une activité sociale

Le fait de pouvoir partager cette activité est un élément important de ma passion pour celle-ci. La plupart des autres activités qui me passionnent (notamment celles impliquant une fiction) se vivent seul – ou à plusieurs mais avec une interaction faible ou médiate. Le JDR me permet de vivre des histoires à plusieurs sans barrières et de les partager pleinement.

Pour pouvoir comprendre les implications des règles et des phénomènes sociaux sur les parties qui seront jouées, je tire partie de théories de la psychologie sociale, discipline pour laquelle j’ai un attrait fort.

N’importe quel champ de réflexion est utile

La dramaturgie, la narratologie, la philosophie, la sociologie, les théories de conception de jeu me passionnent également et tous ces champs de réflexion (et bien d’autres encore) sont un formidable terreau pour notre activité. Et cette soif de connaissance, le JDR m’aide à l’étancher.

Le propos

Du fait de l’importance de la fiction, le JDR me semble être un médium propice à l’exploration de problématiques, prémisses et autres propos et points de vue sur le monde, injectés dans le jeu par l’auteur (qui peut être aussi bien le MJ, que le créateur du jeu) et exploré par les joueurs. J’ai tremblé, eu des chocs esthétiques, des bouleversements, les larmes aux yeux, je me suis trouvé grandi par certaines parties que j’ai jouées. Et j’ai vu cela chez mes partenaires également.

Découvrir que le monde peut être plus que je ne le croyais, me confronter à des questions morales, existentielles, politiques. C’est aussi pour ça que je joue et crée des JDR. Ce n’est pas l’apanage des films et romans et j’attends d’un support de création qu’il me permette d’explorer et donner à explorer ces choses-là.

Une économie sans risques (ou presque)

J’aime les œuvres qui me surprennent, qui empruntent des chemins insoupçonnés. Mais je suis également sensible à leur coût. Celles qui demandent de grands moyens sont beaucoup plus sélects. Et le fait qu’un médium soit accessible pour peu de chose : de la sueur, un traitement de texte et quatre bouts de papier… s’accorde avec mes convictions politiques.

Le faible coût de création d’un JDR permet plus aisément d’aborder librement tous les sujets que l’on souhaite sans l’entrave que rencontre l’industrie du jeu vidéo, par exemple (bien que de nombreuses perles, surtout du côté des jeux indépendants, transgressent heureusement le statu quo).

Une terre vierge

Tout reste à faire dans le JDR. Nous sommes des pionniers. Alors que les peintres, cinéastes, romanciers doivent digérer une histoire riche et chargée, où tirer son épingle du jeu est une gageure. En JDR, on peut bénéficier de cette histoire, mais le médium est encore jeune et cette sensation de découvrir de nouveaux continents est grisante.

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J’aime créer des histoires, apprécier des histoires, j’aime les œuvres interactives, les activités sociales, j’aime intellectualiser et théoriser, créer seul et créer collaborativement quelque chose, j’aime les œuvres qui me font cogiter, me bouleversent, me donnent un autre regard sur le monde et sur l’existence, j’aime les médiums qui me permettent de m’exprimer avec trois bouts de ficelle et j’aime explorer les terres vierges de la créativité.

Pour tout cela, le JDR est un trésor.

Et vous, qu’aimez-vous dans la pratique et la création de JDR ?