4) Pourquoi jouer à un jeu qui explore des problématiques humaines sans pur divertissement ludique ?

D’après Aristote et de nombreux narratologues depuis, l’être humain aime porter un jugement de valeur sur les choix et actes des personnages de fiction.
Quand je regarde Six Feet Under, Grey’s Anatomy ou In Treatment, je me dis des choses comme : « quel courage », « quel enfoiré », « quelle grandeur d’âme », « si j’avais su qu’il ferait ce choix-là » etc.
Car il est généralement plaisant, en vertu de la distance que nous confère la fiction, de nous projeter, de faire des liens avec notre vécu.
C’est le « mode dramatique » (et non pas le genre, bien que le genre s’inclue facilement dans le mode, qui lui peut faire partie de films ou de romans dépassant largement le genre). Et c’est grâce à la ressemblance des situations fictives avec celles de notre vécu, mais aussi de la distance que permet la fiction, que la catharsis opère : le recul nous permet d’appréhender ces situations et d’en tirer des leçons et des conclusions qu’il est difficile de produire dans notre vécu à cause de notre implication directe dans les évènements que nous vivons.

Le JDR, ben c’est forcément pareil et différent à la fois des autres médiums.
La catharsis est indubitablement présente lors de parties de JDR.
La différence à mon avis se situe au niveau de l’implication des acteurs.
Pour provoquer un jugement de la part des joueurs (pendant les phases où ils sont spectateurs, ce qui est extrêmement flou en réalité, on passe sans arrêt de acteur/auteur à celui de spectateur dans une partie de JDR). Et c’est là que cela produit une dynamique créative qui peut amener un plaisir, très différent, du coup du plaisir ludique de dépassement de soi, par exemple.

(Parenthèse, ce type de jugement de valeur n’est pas présent dans toute partie de JDR, on peut très bien faire sans).

C’est comme si on était créateurs en ayant un public pour chacune de nos propositions, la différence, c’est qu’on appréhende et on crée l’histoire par l’intermédiaire d’un personnage nous amenant à devoir prendre position dans les situations proposées.
Ce qu’on appelle synesthésie : la relation entre le joueur et son personnage, montre que l’on peut se sentir très loin de son perso et pour autant prendre un véritable plaisir à justifier ses actes immoraux : « qu’aurais-je fait à sa place » même si j’ai besoin de croire que je ne serai jamais à sa place. On fait comme si, et on le sait bien.

 

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