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Vous pensiez créer un jeu de rôle sur de valeureux héros altruistes et vous vous retrouvez avec un groupe de tortionnaires sans scrupules. Soit il y a un biais dans votre Contrat social, soit vous pouvez recadrer votre partie ou votre système de jeu pour inciter les joueurs à mieux considérer certains comportements et à en rejeter d’autres. C’est de ce deuxième point dont je vais parler aujourd’hui.

Pourquoi motiver certains comportements ? Pourquoi ne pas laisser une totale liberté aux joueurs sur les situations qu’ils vont explorer ? Parce qu’on ne peut pas demander à un personnage a priori maléfique de sauver ceux qui sont dans le besoin sans se heurter à quelques problèmes et que parfois, jouer un personnage qui possède des valeurs ne va pas de soi.

Si le MJ ou le jeu vise dans une direction pour l’histoire, bien motiver un comportement permet de renforcer la cohésion entre la proposition initiale et ce qu’en fait le joueur.

Les comportements qui m’intéressent sont les choix que le joueur effectue dans la fiction, mais les motivations prennent racine également dans les interactions sociales et dans la mécanique du jeu.

J’observe 6 pratiques dans les parties de JdR :

  1. Inciter
  2. Dissuader
  3. Suggérer
  4. Contraindre
  5. Laisser faire
  6. Imposer

1. Inciter

“Si tu fais [telle action], il se passera [truc positif]”.

Il s’agit de valoriser le comportement recherché, généralement par la mécanique du jeu.

Par exemple : “J’ai noté sur ma fiche de personnage que j’étais téméraire. À chaque fois que j’agis en me mettant volontairement en danger, je gagne un dé à lancer de plus pour mon action.”

Ou “Quand j’épargne un ennemi, je gagne un point d’expérience.”

La mécanique permet de rendre la récompense fiable car elle ne repose pas sur l’arbitraire d’une décision d’une autre personne (seulement en cas de litige, comme pour toute chose en JdR), surtout quand le comportement motivé implique une contrepartie, mécanique et dans la fiction.

Inciter un comportement demande d’établir des conditions faciles à vérifier et qui limitent la possibilité de biais d’interprétation : savoir quand on combat ou quand on blesse quelqu’un est plus facile à vérifier avec certitude que savoir quand on fait peur ou quand un personnage a peur.

Le joueur n’est jamais tenu d’adopter le comportement en question, ce qui permet de lui laisser le choix et de lui donner de l’importance. Notamment si le choix n’est pas un avantage net, mais présente aussi une contrepartie, ou si le fait de ne pas l’utiliser peut rendre les choses plus difficiles ou plus dangereuses pour son personnage.

L’incitation est sans doute le meilleur moyen de motiver un participant pour une action, probablement car il garde toute liberté d’effectuer le choix et parce que le bénéfice est mesurable.

Comme ce fonctionnement tend à ne solliciter que ponctuellement le comportement choisi, il n’épuise pas le joueur.

Laisser un joueur décider ou créer un comportement qui compte peut augmenter son engagement1 à le respecter, dans la mesure où il lui sera demandé d’assumer ce choix par la suite (par exemple, un objectif, une relation, un trait de personnalité, etc.).

L’incitation est parfois subtile, elle se trouve au carrefour d’un ensemble de techniques de jeu et le comportement recherché émerge sans que les participants ne cherchent à le provoquer. Vincent Baker appelle ça le Vide Fertile, je vous en reparlerai probablement dans un futur article.

2. Dissuader

“Si tu fais (ou ne fais pas) [telle action], il se passera [truc négatif]”.

Il s’agit de faire en sorte qu’un comportement donné cause une conséquence négative au personnage, tout en autorisant ce comportement. Le joueur peut donc aller à l’encontre de l’injonction faite par la règle, mais il devra en assumer les conséquences.

Là encore créer une conséquence mécanique permet de rendre les conséquences du choix fiables, par exemple : “Le joueur a choisi la vertu charité, à chaque fois qu’un personnage lui demande de l’aide ou de la pitié, s’il ne l’accorde pas, il prend un malus.”

La dissuasion n’est pas valable pour tout type de comportement, car au lieu de pousser le joueur à choisir de faire une chose, elle lui dit que se détourner d’une voie choisie a un prix. Ce type de pratique tend à efficacement inciter le joueur à suivre le comportement voulu, tout en donnant un véritable poids à chaque contradiction. Les comportements qui demandent une certaine constance sont un bon exemple de ce pour quoi la dissuasion fonctionne bien.

L’incitation et la dissuasion sont des contrats entre les participants et les règles du jeu et cela ne peut fonctionner que si le participant connaît la règle et l’accepte.

3. Suggérer

“Ton personnage a tendance à se comporter (ou ne pas se comporter) selon [telle action], c’est noté sur ta fiche de personnage.”

Le comportement est noté à titre indicatif ou simplement annoncé avant de jouer ou pendant la partie, rien ne pousse le joueur à l’appréhender ou à le respecter s’il ne présente pas un avantage.

Ce fonctionnement dépend beaucoup des joueurs et de la dynamique sociale de la partie : pour certaines tables, ce sera important, pour d’autres, chacun fait comme il sent, ou, si le comportement voulu gêne dans une situation donnée, on peut le mettre de côté.

Exemple : “Comme j’ai noté sur ma fiche que j’étais colérique, je peux l’illustrer par les actes de mon personnage.”

Ne reposant que sur la récompense sociale, la suggestion n’est pas une manière fiable de motiver un joueur à adopter un comportement. Ça veut dire qu’occasionnellement et sans raison apparente, personne ne réagira au fait qu’un joueur se conforme pourtant aux attentes du groupe et dans d’autres cas, personne ne remarquera que le joueur néglige le comportement suggéré pour son personnage. De plus, en cas de divergences à la table sur l’importance d’une suggestion, le bon fonctionnement du groupe peut s’en trouver affecté, par exemple quand il est question de bien interpréter son personnage.

Comme le comportement est souvent valable sur toute la durée de la partie, le joueur peut s’épuiser à essayer de le suivre, surtout si l’approbation du groupe2 n’est pas au rendez-vous. De plus, en cas d’absence d’approbation, le comportement suggéré peut simplement devenir forcé ou inexistant.

Le MJ ou un autre joueur peut simplement s’inspirer d’une suggestion notée sur la fiche du personnage pour dresser une situation dans laquelle le joueur pourra illustrer le comportement voulu. L’effet est partiellement fonctionnel, car le joueur à qui l’on fait la suggestion peut saisir la perche, dans ce cas il ne fera que ce qu’on attend de lui (encore qu’il garde le choix de la manière dont il agit), mais s’il ne la saisit pas, il risque de transgresser la dynamique sociale. Le choix donné devient un faux choix.

La suggestion est donc utile afin d’aider un joueur en manque d’inspiration. Elle constitue alors une ressource fictionnelle qu’il peut mobiliser au besoin – par exemple lorsque le joueur regarde sa fiche de personnage parce qu’il ne sait plus quoi faire.

4. Contraindre

“Tu ne peux pas contredire [comportement donné].”

Le jeu ou le groupe cherche à empêcher le joueur de transgresser un comportement donné.

Par exemple : “Tu es un samurai, tu n’as pas le droit d’aller à l’encontre ou de déshonorer celui que tu sers.”

Le joueur garde généralement la possibilité de le contourner, en se débrouillant pour ne pas contredire ni suivre ce que le jeu attend de lui. C’est une façon de jouer assez rigide somme toute, qui peut étouffer le joueur s’il sent que la latitude de ses choix est trop mince à cause des comportements contraints.

Mais il peut aider à éviter les comportements indésirables.

Souvent, le groupe s’oppose à un comportement jugé illégitime de la part du joueur, c’est une bonne manière de placer les limites, mais ces limites doivent rester amples et permettre une certaine liberté d’action dans le cadre donné.

Parfois des sanctions lourdes sont prévues par le système, par exemple : “tu dois faire seppuku (et donc te suicider) pour recouvrer ton honneur.” ou “ton PJ ne peut plus continuer de jouer et devient PNJ.”

C’est donc une bonne solution pour les cas extrêmes, afin de démotiver le joueur de franchir une limite, mais pas forcément pour des comportements plus courants.

5. Laisser faire

“Ce [comportement donné] est une possibilité parmi tant d’autres, ni particulièrement recherchée, ni particulièrement déconseillée.”

Rien dans le jeu ne propose le comportement, mais rien ne le dissuade non plus. Il fait partie de l’océan des possibilités d’action du joueur. Rien n’indique que le comportement en question sera présent dans le jeu à un moment donné, ni même qu’il viendra à l’esprit d’un joueur.

Il ne s’agit pas de motiver le comportement sans le nommer, seulement de ne pas le mettre en avant.

Cela ne garantit rien et n’est pas une motivation en soi.

Néanmoins, parfois c’est la situation de la fiction qui se charge de créer l’opportunité, la fiction et les interactions interpersonnelles de la partie suffisent à motiver un type de comportement, mais en plus de ne pas être garanti, il n’est pas fiable, car soumis à l’arbitraire du jugement des participants.

6. Imposer

“Suis ce [comportement donné] maintenant.”

Quand le jeu ou le MJ impose un comportement donné et empêche toute alternative.

Exemples : “Tu dois jouer un air de piano pour faire fuir le fantôme, cet air de flûte est la 5e de Beethoven, toute autre tentative sera vouée à l’échec, irrémédiablement.” ou “Dans une scène de crime, le joueur doit commettre un crime, il sera noté sur la qualité de son crime et de sa description (il ne peut pas y couper).”

La différence fondamentale entre Imposer et Contraindre, c’est qu’Imposer signifie choisir un comportement à suivre et ne laisser aucune alternative, tandis que Contraindre signifie rendre un comportement extrême interdit ou lourdement sanctionné, mais pouvoir le contourner.

Je désapprouve complètement cette pratique d’Imposer un comportement. Pour moi elle est contraire à l’idée même de choix et ne vise qu’à téléguider le jeu, au lieu de tirer parti des imprévus et de la créativité des joueurs. Imposer est souvent le résultat d’un contrôle excessif de l’auteur ou du MJ, dû à des règles3 ou à un scénario dirigistes.

Il ne s’agit pas de donner temporairement le contrôle sur ton personnage à quelqu’un d’autre (au MJ entre autres), par exemple en cas d’échec aux dés. Ce cas de figure fonctionne dans le cas où il s’agit d’une conséquence d’une mécanique ou d’un choix renseigné. Généralement, ce n’est qu’un transfert temporaire de responsabilité qui passe par l’acceptation d’une sanction et pas quelque chose d’imposé pour prédéterminer l’histoire.

Ce qu’il y a à retirer de cet article :

  • Tout type de comportement ne peut pas être motivé de la même façon.
  • L’utilisation d’une mécanique permet de donner vraiment de l’importance à un comportement recherché (y compris quand il n’est pas exploité).
  • L’utilisation d’une mécanique permet de rendre fiable la récompense ou l’effet négatif dû au comportement, c’est-à-dire qu’elle n’est pas soumise à l’arbitraire d’un jugement d’un tiers et elle est mesurable.
  • Les pressions trop lourdes peuvent nuire au jeu, elles doivent se limiter à des cas extrêmes.
  • Ne pas valoriser un comportement par une mécanique le fait dépendre de la dynamique sociale du groupe, ce qui ne permet pas fiable.
  • Imposer quelque chose est toujours mauvais, oubliez cette technique.

Questions et commentaires toujours bienvenus.

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1 Mon idée à ce sujet, c’est que la liberté de choix augmente l’engagement dans un acte : si je dois jouer une histoire d’amour ou une vengeance dans une partie de JdR, j’aurai moins de mal à l’accepter et à l’assumer si c’est moi qui l’ai choisi et si je pouvais très bien ne pas le faire ou choisir quelque chose de très différent, plutôt que si mon MJ l’a décidé, car dans ce deuxième cas, je risque de me sentir contraint de suivre une décision qui n’est pas la mienne et qui ne me plaît peut-être pas.
La liberté de choix renforce notre engagement dans ce choix et dans nos choix futurs.

2 L’approbation en JdR est un concept de Christoph Boeckle dans le chapitre 5. Démarches créatives de l’article de son article Comment ça marche, le jeu de rôle : http://www.silentdrift.net/articles/nancy_resume003.pdf#page=1&zoom=auto,0,849

3Règles dirigistes : on trouve dans certains jeux des mécaniques visant à imposer une direction à l’histoire au lieu de l’inciter. L’effet est assez proche du dirigisme provoqué par un MJ. J’ai un article sur le feu à ce sujet.

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Le contrat social désigne tout ce qui se réfère aux participants dans une partie de JDR, aussi bien la cohésion du groupe, les aspects logistiques, l’observation des règles, le fait d’accepter de jouer le jeu, le fait de produire un contenu conforme aux attentes du groupe, la congruence des participants entre eux et avec tous ces éléments.

Les bases

Démarches sociales

Les démarches sociales sont la manière dont les participants acceptent de se comporter durant la partie les uns envers les autres. Meguey Baker propose une distinction de deux types de démarches sociales :

« Personne ne sera blessé » et « Je ne vous abandonnerai pas »

Personne ne sera blessé est une démarche sociale excluant l’idée d’aborder des thèmes sensibles ou difficiles, de manière à éviter toute forme de malaise ; cette démarche met une limite franche, les participants doivent s’y conformer.

Je ne vous abandonnerai pas signifie que l’on souhaite aborder des thèmes sensibles ou difficiles et que l’on compte réunir les conditions adéquates à ce que cela se passe bien. Cela signifie que chaque participant doit observer une posture respectueuse à l’égard de ses partenaires et de leurs participations ; accorder de l’intérêt et de la légitimité à tout ce qui se dit et qui est acceptable pour votre partie, bien sûr, et ne jamais les laisser tomber, les railler, les duper etc.

Lignes et voiles

Les éléments de fiction problématiques durant une partie de JDR se centrent généralement autour de la violence et du sexe. Emily Care Boss propose dans Breaking the Ice de définir les lignes et les voiles :

  • les lignes signifient que l’on pose des limites quant à la possibilité ou non d’intégrer, voire d’évoquer la violence et/ou le sexe dans la partie ;
  • les voiles signifient que si l’on accepte la présence de violence et/ou de sexe, on ne les décrit pas.

Et l’on suit le choix du participant qui place les limites au plus bas.

Approche d’un jeu

Je vous propose à présent mes propres réflexions.

Tout ce que je rapporte est aussi valable pour le MJ que pour les joueurs.

Quel que soit le jeu que vous proposez, vous avez plusieurs approches possibles de la part de chaque participant :

  1. N’a pas vraiment envie d’être là : se sent obligé, joue pour des raisons complètement extérieures au jeu lui-même, généralement problématiques ; le jeu n’est pas du tout ce à quoi il/elle s’attendait et ne lui convient pas du tout, etc.
  2. Est gêné : a peur de décevoir, d’être jugé, de gâcher la partie ; le thème du jeu le/la dérange, etc.
  3. Est là faute de mieux : préfèrerait jouer à un autre jeu ou faire une autre activité, mais s’en accommode…
  4. Est là par curiosité : décide de tenter l’expérience, mais n’a pas une parfaite confiance en le jeu ou ses participants ; a entendu du bien du jeu ou des participants, mais ne sait pas vraiment si la partie va lui convenir etc.
  5. Est motivé et présent en connaissance de cause : déterminé à tirer le meilleur parti du jeu pour tous avec respect et confiance envers ses partenaires et le jeu.

Plus le numéro de liste est élevé, plus l’implication du participant a de chances d’être bonne.

Ainsi, produire les meilleures conditions d’inclusion de chaque membre du groupe peut nécessiter de se mettre d’accord, quitte à changer de jeu ou à modifier le groupe (c.a.d. Le ou les participants rencontrant des problèmes d’intégration au groupe pourront être amenés à le quitter).

Le fait que les participants puissent eux-mêmes orienter le contenu d’une partie via la préparation de la partie elle-même est un bon moyen pour réduire les risques.

On ne peut pas obtenir quelque chose contre le groupe, on ne peut pas lui imposer quelque chose qu’il n’accepte pas, qui le frustre ou ne l’intéresse pas sans nuire à la dynamique de groupe et donc à la partie.

Relations interpersonnelles

Conditions individuelles pour aider à harmoniser le groupe :

  • le respect des opinions des autres (tolérance) ;
  • la volonté de coopération, l’appui réciproque ;
  • l’acceptation des critiques ;
  • la discipline librement consentie ;
  • la confiance réciproque et le tact ;
  • la connaissance et la perception explicites du but ;
  • la solidarité, l’estime, la sympathie ;
  • l’amitié, l’affection…1

Cas de figure particuliers

Quand un participant va à contre-courant ou détourne le contrat social

Un participant peut jouer un personnage décalé en regard du sujet du jeu, ou adopter un comportement spécifique inadéquat, monopoliser la parole, ne pas oser participer…

Il peut simplement avoir du mal à se détacher de ses habitudes de jeu pour coller aux exigences de la partie ou ce peut être un parti pris délibéré.

  • Dans le cas où le participant peine à se détacher de ses habitudes, l’idéal, c’est de parvenir à lui expliquer les spécificités de votre jeu et de l’aider à comprendre comment les respecter.
  • Dans le cas où le parti pris est délibéré, ça vaut le coup d’en discuter et d’expliquer en quoi un tel parti pris contrevient à l’esprit de votre jeu ou de votre partie.

Quand cela ne suffit pas, d’autres éléments abordés dans cet article sont probablement en cause.

Un participant sabote volontairement la partie

Le sabotage de partie volontaire est une rupture pure et simple du contrat social, c’est la façon la plus extrême et la plus dommageable de prendre plaisir pour soi uniquement, au détriment des autres.

Le participant agit sciemment de façon purement arbitraire, aberrante, voire en dépit de la fiction, ne respecte pas les règles ou les responsabilités de chacun, fait peser les problèmes relationnels avec d’autres participants dans le jeu, cherche à asseoir sa domination sur les autres participants alors que le jeu ne le prévoit pas etc.

Faire si peu de cas du contrat social brise la confiance entre les participants, c’est difficilement réparable. Vous n’aurez souvent que peu d’alternatives pour régler le problème dont la principale consiste à modifier le groupe (autrement dit dans la plupart des cas : virer l’élément perturbateur).

Cependant… parfois, les comportements sont exacerbés par la frustration, le déplaisir et l’ennui, ainsi que tous les biais relationnels. C’est l’occasion de remettre en question votre manière de jouer et de jouer ensemble.

Je constate par exemple, que lorsque malgré tous les efforts possibles, je m’ennuie à une table, je digresse beaucoup plus facilement.

Le test de jeux en cours de développement favorise les problèmes de contrat social quand un ou plusieurs participants ne savent pas que le jeu n’est pas encore bien ficelé et peut donc créer de mauvaises surprises, comme ne pas pouvoir finir la partie ou créer des incohérences significatives.

Les questions d’autorité

Qui explique le jeu et ses règles ? Qui gère les problèmes à la table ? Qui est l’instigateur de la partie ? Qui décide du déroulement de la partie ? Etc.

La façon dont la ou les personnes dépositaires de l’autorité exercent un « contrôle » sur le groupe peut avoir un grand impact sur sa cohésion et sur la satisfaction retirée de la partie jouée.

Une expérience de psychologie sociale menée par Kurt Lewin, Lippitt et White2 en 1939 démontre que certaines formes de leadership ont une influence sur la tâche produite en groupe et sur la satisfaction qui en est retirée.

Je ne vais pas vous l’expliquer en détail, mais globalement, voici ce que l’on peut en retenir :

L’expérience consistait à faire effectuer à différents groupes la même tâche, mais avec une organisation différente.

  • Un contrôle directif (ou autocratique) de l’animateur, prenant la plupart des décisions en définitive, décidant, voire imposant la marche à suivre.
  • Un contrôle coopératif, (ou démocratique) où l’interaction est possible à tous les niveaux, les décisions sont prises communément l’animateur participe également et régule les tâches, en donnant toutefois d’importantes responsabilités aux autres participants.
  • Le troisième type de contrôle (Laisser-faire) consiste à placer l’animateur en retrait, à laisser faire en toute liberté les autres participants.

Résultat

  • Contrôle directif : produit très peu de satisfaction personnelle ; la satisfaction par rapport à la tâche produite est plutôt faible et divergente entre les individus.
  • Contrôle coopératif : produit un bon niveau de satisfaction personnelle et de cohésion ; la satisfaction par rapport à la tâche produite est élevée.
  • Contrôle « laisser-faire » : crée des satisfactions personnelles très inégales ; la satisfaction par rapport à la tâche produite est divergente et plutôt moyenne.

Si l’on adhère à cette expérience de science sociale et que l’on estime que le JDR, en tant qu’activité de groupe, fonctionne sur un principe similaire, on peut envisager que donner d’importantes responsabilités, libertés et espaces de créativité à tous les participants est sans doute le meilleur moyen d’obtenir une bonne cohésion du groupe, une satisfaction haute et un résultat abouti.

Cela n’a rien à voir avec la centralisation du rôle d’un MJ ou avec sa répartition (ce que certains appellent JDR sans MJ), mais avec la nature du contrôle exercé par l’animateur de la partie : celui qui propose le jeu et en explique les règles qui peut être un MJ ou un participant comme les autres.

Même dans un jeu « sans MJ », l’un des participants fera office d’animateur et exercera donc un contrôle.

Un JDR fonctionnant selon un contrôle « laisser-faire » partirait du principe qu’il n’y aurait pas de structure pré-établie, pas vraiment de règles prédéfinies et créerait une certaine désorganisation. Les parties « improvisées sans MJ », sans la structure de règles spécialement construites pour jouer de cette manière seraient les plus à même à produire ce type de résultat.

Ces responsabilités, libertés et espaces de créativité peuvent porter sur de nombreuses choses : l’évolution de l’histoire, la création du décor, l’élaboration de tactiques, la possibilité d’éprouver la cohérence de la fiction etc.

Je reviendrai sur ce sujet dans un prochain article.

Commentaires

Le but de ces principes, c’est de vous aider à régler un certain nombre de problèmes parfois assez difficile à cerner.

Je serais très intéressé par vos retours au sujet de l’utilisation de la mise en place des méthodes présentées.

En ce qui me concerne, je les applique continuellement et j’admets obtenir d’excellents résultats.

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1Liste tirée de La dynamique des groupes restreints, D. anzieu, J.-Y. Martin, Puf, p. 297

2Les expériences de Lewin, Lippitt et White sont présentées en détail dans La dynamique des groupes restreints, D. anzieu, J.-Y. Martin, Puf, p. 225 à 243