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Bonjour à tous,

Qu’est-ce que la narration partagée ? Qu’est-ce qu’un JdR traditionnel ? Qu’est-ce que le narrativisme ? Cette semaine, je prends le micro à la Cellule pour essayer de remettre un peu d’ordre dans tout ça.

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Différents-types-de-JdR-001

 

Une partie de ce podcast vient en complément de ma dernière série d’articles sur le Positionnement. Le schéma ci-dessus est un résumé de son contenu. Je l’interprète comme suit :

  • Je pars du principe que tout jeu de rôle partage la narration, mais de façon plus ou moins serrée et plus ou moins large.
  • Plutôt que de parler de partage d’autorité, je préfère parler de partage de Responsabilités.
  • Ce que j’appelle jeu de rôle traditionnel se définit simplement par la présence d’un scénario qui prédéfinit des événements qui auront lieu pendant la partie (plutôt que par le fait que le MJ a autorité sur tout). Les jeux de rôle non traditionnels englobent le reste.
  • Un aspect fondamental du jeu de rôle consiste à défendre les intérêts de son ou ses personnages.
  • De cette manière le joueur incarne la volonté de son personnage et le MJ le monde autour de lui.
  • Les pratiques et les jeux où l’on ne défend pas les intérêts de nos personnages se partagent en 2 catégories : le « personnage pion » où le joueur ne défend pas les intérêts de son personnage, avec un partage de responsabilités serré. Et le « joueur auteur » où le joueur ne défend pas les intérêts de son personnage, avec un partage de responsabilités large.

Plus d’explications dans le podcast.

Le contrat social désigne tout ce qui se réfère aux participants dans une partie de JDR, aussi bien la cohésion du groupe, les aspects logistiques, l’observation des règles, le fait d’accepter de jouer le jeu, le fait de produire un contenu conforme aux attentes du groupe, la congruence des participants entre eux et avec tous ces éléments.

Les bases

Démarches sociales

Les démarches sociales sont la manière dont les participants acceptent de se comporter durant la partie les uns envers les autres. Meguey Baker propose une distinction de deux types de démarches sociales :

« Personne ne sera blessé » et « Je ne vous abandonnerai pas »

Personne ne sera blessé est une démarche sociale excluant l’idée d’aborder des thèmes sensibles ou difficiles, de manière à éviter toute forme de malaise ; cette démarche met une limite franche, les participants doivent s’y conformer.

Je ne vous abandonnerai pas signifie que l’on souhaite aborder des thèmes sensibles ou difficiles et que l’on compte réunir les conditions adéquates à ce que cela se passe bien. Cela signifie que chaque participant doit observer une posture respectueuse à l’égard de ses partenaires et de leurs participations ; accorder de l’intérêt et de la légitimité à tout ce qui se dit et qui est acceptable pour votre partie, bien sûr, et ne jamais les laisser tomber, les railler, les duper etc.

Lignes et voiles

Les éléments de fiction problématiques durant une partie de JDR se centrent généralement autour de la violence et du sexe. Emily Care Boss propose dans Breaking the Ice de définir les lignes et les voiles :

  • les lignes signifient que l’on pose des limites quant à la possibilité ou non d’intégrer, voire d’évoquer la violence et/ou le sexe dans la partie ;
  • les voiles signifient que si l’on accepte la présence de violence et/ou de sexe, on ne les décrit pas.

Et l’on suit le choix du participant qui place les limites au plus bas.

Approche d’un jeu

Je vous propose à présent mes propres réflexions.

Tout ce que je rapporte est aussi valable pour le MJ que pour les joueurs.

Quel que soit le jeu que vous proposez, vous avez plusieurs approches possibles de la part de chaque participant :

  1. N’a pas vraiment envie d’être là : se sent obligé, joue pour des raisons complètement extérieures au jeu lui-même, généralement problématiques ; le jeu n’est pas du tout ce à quoi il/elle s’attendait et ne lui convient pas du tout, etc.
  2. Est gêné : a peur de décevoir, d’être jugé, de gâcher la partie ; le thème du jeu le/la dérange, etc.
  3. Est là faute de mieux : préfèrerait jouer à un autre jeu ou faire une autre activité, mais s’en accommode…
  4. Est là par curiosité : décide de tenter l’expérience, mais n’a pas une parfaite confiance en le jeu ou ses participants ; a entendu du bien du jeu ou des participants, mais ne sait pas vraiment si la partie va lui convenir etc.
  5. Est motivé et présent en connaissance de cause : déterminé à tirer le meilleur parti du jeu pour tous avec respect et confiance envers ses partenaires et le jeu.

Plus le numéro de liste est élevé, plus l’implication du participant a de chances d’être bonne.

Ainsi, produire les meilleures conditions d’inclusion de chaque membre du groupe peut nécessiter de se mettre d’accord, quitte à changer de jeu ou à modifier le groupe (c.a.d. Le ou les participants rencontrant des problèmes d’intégration au groupe pourront être amenés à le quitter).

Le fait que les participants puissent eux-mêmes orienter le contenu d’une partie via la préparation de la partie elle-même est un bon moyen pour réduire les risques.

On ne peut pas obtenir quelque chose contre le groupe, on ne peut pas lui imposer quelque chose qu’il n’accepte pas, qui le frustre ou ne l’intéresse pas sans nuire à la dynamique de groupe et donc à la partie.

Relations interpersonnelles

Conditions individuelles pour aider à harmoniser le groupe :

  • le respect des opinions des autres (tolérance) ;
  • la volonté de coopération, l’appui réciproque ;
  • l’acceptation des critiques ;
  • la discipline librement consentie ;
  • la confiance réciproque et le tact ;
  • la connaissance et la perception explicites du but ;
  • la solidarité, l’estime, la sympathie ;
  • l’amitié, l’affection…1

Cas de figure particuliers

Quand un participant va à contre-courant ou détourne le contrat social

Un participant peut jouer un personnage décalé en regard du sujet du jeu, ou adopter un comportement spécifique inadéquat, monopoliser la parole, ne pas oser participer…

Il peut simplement avoir du mal à se détacher de ses habitudes de jeu pour coller aux exigences de la partie ou ce peut être un parti pris délibéré.

  • Dans le cas où le participant peine à se détacher de ses habitudes, l’idéal, c’est de parvenir à lui expliquer les spécificités de votre jeu et de l’aider à comprendre comment les respecter.
  • Dans le cas où le parti pris est délibéré, ça vaut le coup d’en discuter et d’expliquer en quoi un tel parti pris contrevient à l’esprit de votre jeu ou de votre partie.

Quand cela ne suffit pas, d’autres éléments abordés dans cet article sont probablement en cause.

Un participant sabote volontairement la partie

Le sabotage de partie volontaire est une rupture pure et simple du contrat social, c’est la façon la plus extrême et la plus dommageable de prendre plaisir pour soi uniquement, au détriment des autres.

Le participant agit sciemment de façon purement arbitraire, aberrante, voire en dépit de la fiction, ne respecte pas les règles ou les responsabilités de chacun, fait peser les problèmes relationnels avec d’autres participants dans le jeu, cherche à asseoir sa domination sur les autres participants alors que le jeu ne le prévoit pas etc.

Faire si peu de cas du contrat social brise la confiance entre les participants, c’est difficilement réparable. Vous n’aurez souvent que peu d’alternatives pour régler le problème dont la principale consiste à modifier le groupe (autrement dit dans la plupart des cas : virer l’élément perturbateur).

Cependant… parfois, les comportements sont exacerbés par la frustration, le déplaisir et l’ennui, ainsi que tous les biais relationnels. C’est l’occasion de remettre en question votre manière de jouer et de jouer ensemble.

Je constate par exemple, que lorsque malgré tous les efforts possibles, je m’ennuie à une table, je digresse beaucoup plus facilement.

Le test de jeux en cours de développement favorise les problèmes de contrat social quand un ou plusieurs participants ne savent pas que le jeu n’est pas encore bien ficelé et peut donc créer de mauvaises surprises, comme ne pas pouvoir finir la partie ou créer des incohérences significatives.

Les questions d’autorité

Qui explique le jeu et ses règles ? Qui gère les problèmes à la table ? Qui est l’instigateur de la partie ? Qui décide du déroulement de la partie ? Etc.

La façon dont la ou les personnes dépositaires de l’autorité exercent un « contrôle » sur le groupe peut avoir un grand impact sur sa cohésion et sur la satisfaction retirée de la partie jouée.

Une expérience de psychologie sociale menée par Kurt Lewin, Lippitt et White2 en 1939 démontre que certaines formes de leadership ont une influence sur la tâche produite en groupe et sur la satisfaction qui en est retirée.

Je ne vais pas vous l’expliquer en détail, mais globalement, voici ce que l’on peut en retenir :

L’expérience consistait à faire effectuer à différents groupes la même tâche, mais avec une organisation différente.

  • Un contrôle directif (ou autocratique) de l’animateur, prenant la plupart des décisions en définitive, décidant, voire imposant la marche à suivre.
  • Un contrôle coopératif, (ou démocratique) où l’interaction est possible à tous les niveaux, les décisions sont prises communément l’animateur participe également et régule les tâches, en donnant toutefois d’importantes responsabilités aux autres participants.
  • Le troisième type de contrôle (Laisser-faire) consiste à placer l’animateur en retrait, à laisser faire en toute liberté les autres participants.

Résultat

  • Contrôle directif : produit très peu de satisfaction personnelle ; la satisfaction par rapport à la tâche produite est plutôt faible et divergente entre les individus.
  • Contrôle coopératif : produit un bon niveau de satisfaction personnelle et de cohésion ; la satisfaction par rapport à la tâche produite est élevée.
  • Contrôle « laisser-faire » : crée des satisfactions personnelles très inégales ; la satisfaction par rapport à la tâche produite est divergente et plutôt moyenne.

Si l’on adhère à cette expérience de science sociale et que l’on estime que le JDR, en tant qu’activité de groupe, fonctionne sur un principe similaire, on peut envisager que donner d’importantes responsabilités, libertés et espaces de créativité à tous les participants est sans doute le meilleur moyen d’obtenir une bonne cohésion du groupe, une satisfaction haute et un résultat abouti.

Cela n’a rien à voir avec la centralisation du rôle d’un MJ ou avec sa répartition (ce que certains appellent JDR sans MJ), mais avec la nature du contrôle exercé par l’animateur de la partie : celui qui propose le jeu et en explique les règles qui peut être un MJ ou un participant comme les autres.

Même dans un jeu « sans MJ », l’un des participants fera office d’animateur et exercera donc un contrôle.

Un JDR fonctionnant selon un contrôle « laisser-faire » partirait du principe qu’il n’y aurait pas de structure pré-établie, pas vraiment de règles prédéfinies et créerait une certaine désorganisation. Les parties « improvisées sans MJ », sans la structure de règles spécialement construites pour jouer de cette manière seraient les plus à même à produire ce type de résultat.

Ces responsabilités, libertés et espaces de créativité peuvent porter sur de nombreuses choses : l’évolution de l’histoire, la création du décor, l’élaboration de tactiques, la possibilité d’éprouver la cohérence de la fiction etc.

Je reviendrai sur ce sujet dans un prochain article.

Commentaires

Le but de ces principes, c’est de vous aider à régler un certain nombre de problèmes parfois assez difficile à cerner.

Je serais très intéressé par vos retours au sujet de l’utilisation de la mise en place des méthodes présentées.

En ce qui me concerne, je les applique continuellement et j’admets obtenir d’excellents résultats.

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1Liste tirée de La dynamique des groupes restreints, D. anzieu, J.-Y. Martin, Puf, p. 297

2Les expériences de Lewin, Lippitt et White sont présentées en détail dans La dynamique des groupes restreints, D. anzieu, J.-Y. Martin, Puf, p. 225 à 243