En ce moment, je cogite à mes expériences rôlistes passées, notamment celles où l’on jouait avec scénario. J’ai un lointain projet qui devrait, si je ne fais pas fausse route, tirer parti de ces quelques réflexions.
Scénario : Pour rappel, ce que j’appelle un scénario, c’est une préparation préalable à la partie qui prévoit des situations et des événements qui s’imposeront au déroulement de l’histoire jouée. Autrement dit, des points de passage obligés. Prévoir la fin de l’histoire (ou plusieurs fins possibles) entre dans cette définition.
Rappel : je ne considère pas la méthode de préparation de Dogs in the Vineyard comme un scénario : tout ce qui est écrit s’est déjà passé quand les PJ arrivent dans le village. On ne prévoit donc jamais ce qu’il va arriver pendant la partie, ni comment ça doit arriver.
Dirigisme : J’appelle dirigisme toute préparation préalable qui nécessite de passer en force (voir la définition de Force dans le Provisonal glossary), c’est-à-dire, de faire prévaloir les événements scénaristiques aux décisions des joueurs et à leur capacité d’influer sur l’évolution de l’histoire. Ma définition du dirigisme est probablement plus large que celles communément admises : je cherche à supprimer au maximum le passage en force.
Participationnisme : Le sujet de cet article est de la façon d’optimiser une pratique participationniste, c’est-à-dire, une pratique où l’histoire est prévue à l’avance et les joueurs le savent et agissent dans la direction du scénario autant que possible.
Je distingue participationnisme de dirigisme, car le second n’est qu’une dérive du premier. Il est, je pense, possible d’écrire des scénarios avec des situations prévues à l’avance, sans devoir passer en force. C’est de cela que j’aimerais discuter aujourd’hui.
Le participationnisme se distingue de l’illusionnisme, car le MJ ne cherche pas à tromper les joueurs sur ce qu’il se passe vraiment.
Voici mes pistes sur la façon dont un scénario préservera au maximum le MJ de devoir passer en force :
- Le scénario ne prévoit jamais de solutions aux problèmes qu’il pose. Prévoir les solutions tend à prédéterminer quelles décisions des joueurs sont valables. C’est une entrave à la liberté et à l’importance des décisions des joueurs.
- Le MJ ne prend le contrôle sur l’histoire que dans les interstices (les ellipses, par exemple), c’est l’endroit où il peut introduire de nouvelles situations prévues à l’avance. En ne prenant le contrôle de l’histoire que dans les ellipses, il laisse les joueurs libres de leurs mouvements le reste du temps.
- Il ne présume jamais de l’endroit où les joueurs doivent aller, ni de ce qu’ils doivent faire. De cette façon, il est libre de faire progresser l’intrigue quelles que soient les décisions des joueurs.
- Les PJ doivent être construits de telle manière que suivre le scénario pour le joueur est en adéquation avec le fait de défendre les intérêts de son personnage (éviter la fameuse dichotomie du joueur qui veut jouer son perso de manière cohérente, mais cela le ferait sortir du scénar). De cette manière, suivre le scénar devient plus naturel pour les joueurs.
- Quand il impose une situation aux PJ, il doit se servir de leurs obligations, contraintes et devoirs légitimes pour les mettre en scène, de façon à ne jamais prendre de décisions à leur place.
- Le MJ doit abandonner toute idée de manipulation des joueurs pour les amener à un effet de surprise du type « Hahaha, je vous ai bien eus ! » car cela le conduirait probablement à de l’illusionnisme, ce qui nécessite fréquemment de passer en force pour être sûr de ne pas gâcher son scénario.
Le MJ peut donc écrire un scénario, avec des événements spontanés et même prévoir une ou plusieurs fins. S’il respecte tous ces points, je pense qu’il peut éviter tout dirigisme.
La solution qui vient à l’esprit, quand on parle de faire passer en force le scénario, c’est de ne pas hésiter à laisser tomber le scénar pour suivre les envies des joueurs. Cette solution ne m’intéresse pas. Si je veux suivre les joueurs en les laissant conduire l’histoire, une préparation telle que celle de Dogs in the Vineyard ou un jeu comme Apocalypse World font très bien l’affaire. Si j’écris un scénario dont je suis fier, je veux pouvoir le faire découvrir jusqu’au bout, sans quoi, je joue sans.
Exemple : Ma campagne Intrigues à Poudlard.
Certaines parties de ma campagne Intrigues à Poudlard se sont pas mal rapprochées de cette forme de participationnisme non dirigiste, sans toutefois l’atteindre vraiment.
Mon diagnostic :
- Quand j’ai tout simplement arrêté de prévoir les solutions aux problèmes du scénario (on lance les dés pour voir si ça marche et on s’en remet au résultat), les décisions des joueurs prenaient de l’importance, comptaient vraiment.
- Comme les personnages sont à Poudlard et que chaque partie équivaut à une année scolaire, les ellipses étaient nombreuses et il m’arrivait fréquemment de prendre la main sur l’histoire durant les ellipses. Les joueurs étaient parfaitement libres de leurs mouvements le reste du temps. Quand ils résolvaient (positivement ou négativement) un problème, je cadrais une ellipse pour introduire la prochaine situation (les situations étaient organisées chronologiquement au long de l’année scolaire).
- Pour ce qui est de ne jamais présumer de ce que doivent faire les joueurs, c’est une des choses que j’ai eu le plus de mal à éviter, mais j’ai eu depuis le loisir de découvrir d’autres façons de faire : il suffit de ne pas décider comment les joueurs obtiendront les indices et révélations, mais seulement d’en préciser le contenu (par exemple : « le professeur Slughorn rôde la nuit dans les couloirs », plutôt que « le professeur Slughorn est passé à 2h30 dans le couloir de l’aile nord, il a frappé au bureau d’Albus Dumbledore à 3h00 ») et de ne pas déterminer ni de quelle façon les joueurs vont les découvrir, ni la manière dont ils doivent s’y prendre.
- Pour ce qui est de « suivre le scénar soit en adéquation avec les intérêts des PJ », ça m’a également posé problème dans cette campagne avec notamment des joueurs qui ne suivaient pas le fil rouge pour des prétextes de « cohérence avec leur personnage », mais pour le palier, il suffit de poser quelques contraintes à la création des personnages, par exemple : les PJ sont très curieux (comme dans le film), ils ne se laissent pas impressionner par les interdits et les dangers, ils sont courageux, voire téméraires et ils vont toujours fourrer le nez là où ça sent mauvais, quitte à se mettre en danger. C’est une forme de contrat entre joueurs et MJ qui nécessite généralement d’abandonner tous les PJ craintifs, peureux, parano, pour jouer plutôt sur la curiosité, la transgression des règles, etc. Il est également utile de mettre l’accent sur les relations entre élèves, élèves et professeurs, voire avec la famille.
- Poudlard est un cadre parfait pour les obligations, contraintes et devoirs, les personnages vivant en pension dans une école isolée, ils font beaucoup de choses que leur statut d’étudiants en école de magie impose au quotidien : je pouvais cadrer mes scènes sur un cours, sur un moment dans le dortoir, au réfectoire, en récréation, dans le club extrascolaire d’un des PJ, lors d’un match de Quidditch, pendant un exam, etc. C’était légitime pour le MJ de prendre le contrôle sur la situation dans ces moments-là, car les joueurs n’ont pas de raisons de contredire le fait que leurs PJ vont en cours, mangent au réfectoire, dorment dans un dortoir, etc. C’est un setting qui fourmille de contraintes que le MJ peut utiliser pour cadrer ses scènes et ne jamais forcer les PJ à faire quelque chose qui devrait relever d’une décision des joueurs.
- Pour ce qui est de la manipulation des joueurs, l’idée, c’est d’éviter le coup du commanditaire qui est en fait l’antagoniste et qui roule les PJ dans la farine, et autres effets de manche du MJ. Ainsi que toutes les techniques de manipulation des joueurs qui conduiraient à de l’illusionnisme.
Qu’en pensez-vous ? Avez-vous des questions, des choses à ajouter ?
J’ai déjà parlé de la relation entre joueur et MJ comme la volonté et le monde. La réalité résiste, il nous est impossible, en tant qu’êtres humains, de casser un rocher à mains nues et pour convaincre quelqu’un il faut bien souvent du temps, des nerfs et de la sueur. Ce qui m’intéresse dans cet article, c’est la tension fertilisante qui existe entre différents participants. Le JDR donne une illusion de réalité en créant un rapport de force entre les différents participants, pour une bonne dynamique, il est important de créer une résistance saine. J’appelle cela la résistance asymétrique : elle fonctionne du fait que les rôles des participants diffèrent à une partie de jeu de rôle.
Ne pas confondre avec le « passage en force », la résistance asymétrique est une dynamique voulue par les participants. Une résistance saine utilise le système en tant que médiateur entre les participants, alors que le passage en force est la manière dont un participant impose ses idées à un groupe réfractaire, ou de telle façon que ça porte préjudice à d’autres participants en niant leur liberté ou leurs choix.
La résistance asymétrique est le contraire du consensus, le consensus est utilisé pour que tout le monde soit d’accord sur la partie jouée ensemble, éviter les grands désaccords et les fourvoiements de direction, mais cela ne signifie pas établir ce que la partie sera avant de la jouer, mais plutôt définir les limites et la démarche créative que l’on souhaite. Le consensus peut être recherché en amont d’une partie ou d’une scène, mais s’il est utilisé à tout autre moment de la partie, il tend à ramollir le jeu en se substituant à la résistance asymétrique, l’histoire ne menace plus de prendre une direction différente de celle désirée, elle se soumet aux envies des participants. Cela peut être intéressant de choisir le type d’histoire jouée, mais en aucun cas il n’est intéressant d’avoir un contrôle sur l’évolution de l’histoire.
La résistance asymétrique quant à elle se situe au cœur de ce qui est important : si les joueurs cherchent à accomplir une chose, il faudra d’autres participants qui s’y opposeront, qui leur donneront la réplique. La situation est la rencontre entre les personnages et le contexte. Si un seul joueur gère seul l’ensemble d’une situation, aucune résistance ne lui est opposée. Il faut donc des partenaires de jeux qui complèteront les situations. Le fait même qu’un autre participant ait la charge de contrôler des parties de la fiction auxquelles je n’ai pas accès constitue la base de la résistance asymétrique.
Le système de résolution constitue souvent le nœud de la résistance, mais il en existe d’autres : il peut s’agir de la mise en œuvre d’un cycle d’approbation : si mon personnage agit de façon héroïque, un autre participant me récompense, s’il juge que c’est bien le cas, d’un bonus. La résistance se situe ici entre l’adéquation avec la règle et la créativité dont fait preuve le premier joueur et le jugement du second. Plus le second sera exigeant et le premier peu imaginatif et plus la résistance sera rigide. Plus le second sera généreux et le premier imaginatif et plus la résistance sera souple. Mais l’important n’est pas d’avoir une résistance trop rigide, ce qui risquerait de décourager les participants, ni d’en avoir une trop souple également, sans quoi la partie risque de paraître fade (voir la question du consensus). Si vous n’avez aucune assurance d’avoir une résistance équilibrée, n’hésitez pas à instaurer une progression.
La résistance asymétrique, c’est la manière dont les interactions entre les personnes réelles rendent les issues incertaines des choix et propositions des participants. La résistance implique que chacun ne peut pas faire tout ce qu’il veut. La résistance asymétrique donne aux participants une emprise partagée et c’est ce partage qui fait que chaque personnage est limité.
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Confrontation : lorsque deux participants veulent des choses contradictoires, il y a Confrontation. Les systèmes de résolution visent à résoudre ces désaccords, grâce à l’impartialité du système. Les participants doivent avoir une prise sur le système de résolution. S’il fonctionne sans le concours des participants, ce n’est pas une résistance asymétrique, juste une résistance mécanique. Si un joueur peut faire abandonner l’autre, il y a rapport de force, que ce soit en l’intimidant, en négociant etc. comme nous allons le voir dans les points suivants. Dans le cas où c’est un seul joueur qui arbitre, il faut contrebalancer son pouvoir afin d’éviter que l’arbitraire de ses décisions ne rende la résistance trop rigide ou trop souple, inéquitable, voire consensuelle entre les participants.
On pourrait imaginer que la Confrontation est présente dans tous les jeux, mais ce n’est pas forcément le cas. Un jeu comme Breaking the Ice de Emily Care Boss fonde les échanges uniquement sur les interactions positives, l’incertitude reposant sur leur fréquence, leur quantité et la clémence des dés.
Dans Prosopopée, il existe des mécaniques de résolution qui ne mettent pas en opposition les participants entre eux, mais qui les opposent à une résistance mécanique.
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Compétition/défis : plusieurs participants se disputent un enjeu et usent de leurs ressources personnelles (logique, inventivité, calcul…) pour l’atteindre. Il y a jugement porté sur l’aptitude et la performance du participant. Les mécaniques qui permettent de surmonter cette résistance doivent être impartiales. Les participants créent les opportunités, estiment les risques, peuvent s’intimider, jouer au bluff, etc. Si cette résistance se joue sans les participants, elle n’est plus asymétrique, mais une résistance mécanique, comme cela peut arriver dans certaines pratiques n’offrant pas aux participants la possibilité d’influer sur le résultat des Conflits.
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Négociation/chantage : consiste pour un participant à mettre en balance plusieurs enjeux d’un autre participant, afin de lui imposer un choix dont on ne peut prévoir à l’avance lequel sera fait. Aucun choix ne doit être dénué de contreparties. Cela peut donner lieu à de véritables dilemmes, mais ce n’est pas obligatoire, le simple fait de promettre une perte induit un jugement de valeur sur le choix produit.
Cette dynamique est fortement prescrite par les règles de jeux comme Dogs in the Vineyard de Vincent Baker, Polaris de Ben Lehman et bien d’autres. Elle prend racine dans la manière dont les situations se constituent et se trouve verrouillée durant les Conflits, afin que les joueurs ne puissent pas trouver d’autres moyens de faire et se confrontent donc à la situation comme à un choix difficile, plutôt qu’un problème auquel il faut trouver la meilleure solution.
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Séduction : un participant cherche à coller aux attentes d’un ou plusieurs autres, ou à les surprendre positivement. La séduction doit s’inscrire dans le respect d’un canon esthétique et le développer, ou doit chercher à entrer en résonance avec la sensibilité des participants.
Dans Prosopopée, les joueurs doivent se récompenser quand l’un d’entre eux narre quelque chose qui leur plait. Les joueurs sont donc invités à accorder de l’importance à la qualité de leurs narrations et à explorer leur créativité.
Dans Breaking the Ice, le Guide récompense le Joueur actif quand celui-ci met son personnage à son avantage ou quand il agit de manière flatteuse envers le personnage du Guide. Ici, la séduction joue par résonance avec le processus de séduction entre deux personnes.
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Sympathie/antipathie : les participants, feront en sorte d’attirer la sympathie d’un joueur pour un personnage en dévoilant qui il est, son histoire, ses faiblesses et ses souffrances. Il peut également jouer sur l’antipathie et plus subtilement sur un jeu de sympathie/antipathie du personnage qui commet des actes immoraux mais avec de bonnes raisons, ou l’inverse. C’est généralement par les actes des personnages que se joue cette résistance.
Zombie Cinema de Eero Tuovinen donne une certaine importance à cette dynamique : le principe de « soutien » demande au joueur de prêter son dé gratuitement à un autre joueur pour augmenter ses chances de résoudre favorablement un Conflit. Ce qu’éprouve le joueur qui soutient envers le personnage tendra à justifier son choix. La mécanique de sacrifice joue d’une façon similaire, car elle permet de sauver la vie à un personnage. Un joueur ne le fera pas pour n’importe quel personnage, car cela peut mettre en danger, voire faire mourir le sien.
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Rétention/fascination : cette résistance tire parti des mystères et des secrets. Elle met un participant en position de force (généralement le MJ), car il possède des informations que les autres n’ont pas et dont le but est de les amener à s’y intéresser, à créer une soif de découverte ou de compréhension. Il distillera les informations en fonction des choix des autres participants. Le but est d’utiliser ces moyens pour intriguer le joueur et le faire aller de l’avant. Il est important que les autres participants aient en contrepartie des espaces de créativité et une emprise sur certains enjeux afin d’éviter d’avoir l’impression d’être menés par le bout du nez. Il est préférable que les informations soient données selon un procédé transparent ; pas consensuel, mais le sentiment que le don d’information est arbitraire peut nuire à la l’implication des joueurs.
Sens Renaissance de Romaric Briand utilise ce procédé, car les secrets du monde ne se dévoilent que petit à petit et seul le MJ en est le gardien. C’est un procédé courant dans le monde du JDR, mais il confine souvent au participationnisme ou à l’illusionnisme, ce qui n’est pas, à mon avis la meilleure façon d’en tirer parti…
Innommable de Christoph Boeckle dans ses versions 007 à 009 utilise également ce procédé pour faire aller les joueurs de l’avant : le MJ a préparé une menace qui se dévoile progressivement par des indices et des évènements ambigus. Les joueurs ont une prise indirecte sur la nature de la source de la menace (généralement, un secret occulte, une créature indicible), par l’intermédiaire de monologues faisant sombrer les personnages entre surnaturel et folie, ils donnent forme à la menace. Le MJ, lui contrôle essentiellement les adversaires : humains voulant tirer parti de la source.
C’est assez rare, mais je suis convaincu qu’il est possible de donner des informations secrètes à plusieurs participants et de les intégrer à la partie petit à petit.
Il existe d’autres relations un peu différentes, plus ou moins fonctionnelles :
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Participationnisme : un des participants (le MJ) connaît l’histoire à l’avance et les autres joueurs acceptent de la suivre, quitte à sacrifier leur liberté. Ils s’efforcent de coller aux attentes de celui qui dirige. Il est important que les joueurs aient pleine connaissance du fonctionnement de la partie et qu’ils l’acceptent, sans quoi, il peut y avoir friction. Ce principe joue donc sur un consensus, avec toutefois un enjeu de taille : celui qui dirige a pour tâche de donner aux autres quelque chose qui leur plait suffisamment pour justifier son contrôle sur l’Espace Imaginé et Partagé. Il s’agit souvent d’une forme de rétention/fascination poussée jusqu’à l’extrême. La différence se situe à l’endroit que la rétention peut être produite sur des éléments indépendants des choix des joueurs, alors que le participationnisme s’efforce de faire s’accomplir la destinée des personnages avec la complicité des joueurs.
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Illusionnisme : le MJ fait croire aux joueurs qu’ils sont libres, mais il orchestre tout secrètement. Les choix des joueurs n’ont pas de réelle importance puisqu’ils mèneront toujours là où le MJ l’a prévu. L’illusionnisme constitue un rapport de force vicié, car l’enjeu est généralement trop grand pour le MJ pour pouvoir maintenir l’illusion en permanence. Dès que les joueurs s’en rendent compte, le jeu risque d’être rompu pour eux. L’illusionnisme compile un ensemble de Techniques visant à cacher la manière dont les décisions sont véritablement prises, par exemple, le MJ décide des niveaux de difficulté sans en parler aux joueurs afin de pouvoir les modifier secrètement et ainsi décider ce qui réussit et ce qui échoue conformément à l’histoire qu’il veut obtenir, sans se soucier réellement des résultats des dés. Les joueurs, eux, lancent leurs dés pensant que le résultat importe, ce qui n’est pas le cas. Si les joueurs se rendent compte que ça ne sert à rien, ils n’auront plus d’intérêt à lancer les dés.
Il est important de garder à l’esprit que les différents rôles mis en œuvre n’ont pas besoin d’être figés sur toute la durée d’une partie, il peut y avoir alternance : le joueur jugeant devient le joueur jugé, celui qui dresse les confrontations peut devenir celui qui les subit en cours de partie, etc.
Une séance de JDR n’utilise généralement pas qu’une seule de ces résistances asymétriques. Il n’est pas évident de prédire quelle sera la résistance asymétrique à l’œuvre durant une partie et pour les créateurs de jeux, je suggère de vérifier pendant les parties les dynamiques à l’œuvre pour les renforcer ensuite.
Je n’ai jamais vu une partie toutes les mêler sans créer des clivages entre les participants, mais on peut facilement en mélanger jusqu’à trois. Elles sont liées aux démarches créatives, mais on ne peut pas les y limiter : un jeu de rôle qui soutient une démarche créative « story now » comme Zombie Cinema fonctionne par un mélange de Confrontation (les joueurs sont souvent en opposition, les mécaniques de résolution de Conflit permettent de les départager), de sympathie/antipathie (les autres joueurs choisissent de soutenir un joueur en fonction de la situation, la sympathie/antipathie pour le personnage jouant un grand rôle ; le fait de pouvoir se sacrifier pour sauver un PJ fonctionne aussi sur ce principe) et de négociation (la règle de sacrifice et le choix de lancer ou non un Conflit peuvent amener les joueurs à privilégier un choix en sacrifiant autre chose).
Breaking the Ice fonctionnant selon une proposition créative similaire à Zombie Cinema n’utilise pourtant pas la Confrontation et place la séduction au premier plan. Il peut donc y avoir des différences nettes de résistances asymétriques dans des jeux soutenant le même type de démarche créative.
Chaque partie de Zombie Cinema se centre plus sur certaines résistances asymétriques que sur d’autres, certains pourront faire des efforts pour rendre leurs personnages sympathiques quand d’autres se concentreront sur la négociation/chantage.
Les questions que l’on doit se poser lors d’un game design, sera qui assume quel part de ces schémas : sont-ils plusieurs à assumer le même rôle ? Ou est-ce une personne indépendante ? Cette organisation peut-elle changer pendant la partie ? Y a-t-il des exceptions ?
C’est en différenciant les rôles et les tâches des participants, que ce soit de façon temporaire ou permanente, que vous produirez ces dynamiques de résistance asymétrique. Quand vous avez repéré celles qui prédominent dans les parties de votre jeu, vous devriez parvenir plus facilement à discriminer les techniques qui y sont appropriées et celles qui les parasitent.
Par exemple, il peut être difficile de faire fonctionner une résistance fondée sur la séduction s’il y a une compétition qui positionne un participant à la fois comme juge et compétiteur, tout comme l’utilisation de secrets peut donner aux joueurs le sentiment que les choix d’un « chantage » ne sont pas les seuls possibles et qu’en creusant ils pourront contourner le dilemme proposé…
Les commentaires sont toujours les bienvenus.
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