Le contrat social désigne tout ce qui se réfère aux participants dans une partie de JDR, aussi bien la cohésion du groupe, les aspects logistiques, l’observation des règles, le fait d’accepter de jouer le jeu, le fait de produire un contenu conforme aux attentes du groupe, la congruence des participants entre eux et avec tous ces éléments.
Les bases
Démarches sociales
Les démarches sociales sont la manière dont les participants acceptent de se comporter durant la partie les uns envers les autres. Meguey Baker propose une distinction de deux types de démarches sociales :
« Personne ne sera blessé » et « Je ne vous abandonnerai pas »
Personne ne sera blessé est une démarche sociale excluant l’idée d’aborder des thèmes sensibles ou difficiles, de manière à éviter toute forme de malaise ; cette démarche met une limite franche, les participants doivent s’y conformer.
Je ne vous abandonnerai pas signifie que l’on souhaite aborder des thèmes sensibles ou difficiles et que l’on compte réunir les conditions adéquates à ce que cela se passe bien. Cela signifie que chaque participant doit observer une posture respectueuse à l’égard de ses partenaires et de leurs participations ; accorder de l’intérêt et de la légitimité à tout ce qui se dit et qui est acceptable pour votre partie, bien sûr, et ne jamais les laisser tomber, les railler, les duper etc.
Lignes et voiles
Les éléments de fiction problématiques durant une partie de JDR se centrent généralement autour de la violence et du sexe. Emily Care Boss propose dans Breaking the Ice de définir les lignes et les voiles :
- les lignes signifient que l’on pose des limites quant à la possibilité ou non d’intégrer, voire d’évoquer la violence et/ou le sexe dans la partie ;
- les voiles signifient que si l’on accepte la présence de violence et/ou de sexe, on ne les décrit pas.
Et l’on suit le choix du participant qui place les limites au plus bas.
Approche d’un jeu
Je vous propose à présent mes propres réflexions.
Tout ce que je rapporte est aussi valable pour le MJ que pour les joueurs.
Quel que soit le jeu que vous proposez, vous avez plusieurs approches possibles de la part de chaque participant :
- N’a pas vraiment envie d’être là : se sent obligé, joue pour des raisons complètement extérieures au jeu lui-même, généralement problématiques ; le jeu n’est pas du tout ce à quoi il/elle s’attendait et ne lui convient pas du tout, etc.
- Est gêné : a peur de décevoir, d’être jugé, de gâcher la partie ; le thème du jeu le/la dérange, etc.
- Est là faute de mieux : préfèrerait jouer à un autre jeu ou faire une autre activité, mais s’en accommode…
- Est là par curiosité : décide de tenter l’expérience, mais n’a pas une parfaite confiance en le jeu ou ses participants ; a entendu du bien du jeu ou des participants, mais ne sait pas vraiment si la partie va lui convenir etc.
- Est motivé et présent en connaissance de cause : déterminé à tirer le meilleur parti du jeu pour tous avec respect et confiance envers ses partenaires et le jeu.
Plus le numéro de liste est élevé, plus l’implication du participant a de chances d’être bonne.
Ainsi, produire les meilleures conditions d’inclusion de chaque membre du groupe peut nécessiter de se mettre d’accord, quitte à changer de jeu ou à modifier le groupe (c.a.d. Le ou les participants rencontrant des problèmes d’intégration au groupe pourront être amenés à le quitter).
Le fait que les participants puissent eux-mêmes orienter le contenu d’une partie via la préparation de la partie elle-même est un bon moyen pour réduire les risques.
On ne peut pas obtenir quelque chose contre le groupe, on ne peut pas lui imposer quelque chose qu’il n’accepte pas, qui le frustre ou ne l’intéresse pas sans nuire à la dynamique de groupe et donc à la partie.
Relations interpersonnelles
Conditions individuelles pour aider à harmoniser le groupe :
- le respect des opinions des autres (tolérance) ;
- la volonté de coopération, l’appui réciproque ;
- l’acceptation des critiques ;
- la discipline librement consentie ;
- la confiance réciproque et le tact ;
- la connaissance et la perception explicites du but ;
- la solidarité, l’estime, la sympathie ;
- l’amitié, l’affection…1
Cas de figure particuliers
Quand un participant va à contre-courant ou détourne le contrat social
Un participant peut jouer un personnage décalé en regard du sujet du jeu, ou adopter un comportement spécifique inadéquat, monopoliser la parole, ne pas oser participer…
Il peut simplement avoir du mal à se détacher de ses habitudes de jeu pour coller aux exigences de la partie ou ce peut être un parti pris délibéré.
- Dans le cas où le participant peine à se détacher de ses habitudes, l’idéal, c’est de parvenir à lui expliquer les spécificités de votre jeu et de l’aider à comprendre comment les respecter.
- Dans le cas où le parti pris est délibéré, ça vaut le coup d’en discuter et d’expliquer en quoi un tel parti pris contrevient à l’esprit de votre jeu ou de votre partie.
Quand cela ne suffit pas, d’autres éléments abordés dans cet article sont probablement en cause.
Un participant sabote volontairement la partie
Le sabotage de partie volontaire est une rupture pure et simple du contrat social, c’est la façon la plus extrême et la plus dommageable de prendre plaisir pour soi uniquement, au détriment des autres.
Le participant agit sciemment de façon purement arbitraire, aberrante, voire en dépit de la fiction, ne respecte pas les règles ou les responsabilités de chacun, fait peser les problèmes relationnels avec d’autres participants dans le jeu, cherche à asseoir sa domination sur les autres participants alors que le jeu ne le prévoit pas etc.
Faire si peu de cas du contrat social brise la confiance entre les participants, c’est difficilement réparable. Vous n’aurez souvent que peu d’alternatives pour régler le problème dont la principale consiste à modifier le groupe (autrement dit dans la plupart des cas : virer l’élément perturbateur).
Cependant… parfois, les comportements sont exacerbés par la frustration, le déplaisir et l’ennui, ainsi que tous les biais relationnels. C’est l’occasion de remettre en question votre manière de jouer et de jouer ensemble.
Je constate par exemple, que lorsque malgré tous les efforts possibles, je m’ennuie à une table, je digresse beaucoup plus facilement.
Le test de jeux en cours de développement favorise les problèmes de contrat social quand un ou plusieurs participants ne savent pas que le jeu n’est pas encore bien ficelé et peut donc créer de mauvaises surprises, comme ne pas pouvoir finir la partie ou créer des incohérences significatives.
Les questions d’autorité
Qui explique le jeu et ses règles ? Qui gère les problèmes à la table ? Qui est l’instigateur de la partie ? Qui décide du déroulement de la partie ? Etc.
La façon dont la ou les personnes dépositaires de l’autorité exercent un « contrôle » sur le groupe peut avoir un grand impact sur sa cohésion et sur la satisfaction retirée de la partie jouée.
Une expérience de psychologie sociale menée par Kurt Lewin, Lippitt et White2 en 1939 démontre que certaines formes de leadership ont une influence sur la tâche produite en groupe et sur la satisfaction qui en est retirée.
Je ne vais pas vous l’expliquer en détail, mais globalement, voici ce que l’on peut en retenir :
L’expérience consistait à faire effectuer à différents groupes la même tâche, mais avec une organisation différente.
- Un contrôle directif (ou autocratique) de l’animateur, prenant la plupart des décisions en définitive, décidant, voire imposant la marche à suivre.
- Un contrôle coopératif, (ou démocratique) où l’interaction est possible à tous les niveaux, les décisions sont prises communément l’animateur participe également et régule les tâches, en donnant toutefois d’importantes responsabilités aux autres participants.
- Le troisième type de contrôle (Laisser-faire) consiste à placer l’animateur en retrait, à laisser faire en toute liberté les autres participants.
Résultat
- Contrôle directif : produit très peu de satisfaction personnelle ; la satisfaction par rapport à la tâche produite est plutôt faible et divergente entre les individus.
- Contrôle coopératif : produit un bon niveau de satisfaction personnelle et de cohésion ; la satisfaction par rapport à la tâche produite est élevée.
- Contrôle « laisser-faire » : crée des satisfactions personnelles très inégales ; la satisfaction par rapport à la tâche produite est divergente et plutôt moyenne.
Si l’on adhère à cette expérience de science sociale et que l’on estime que le JDR, en tant qu’activité de groupe, fonctionne sur un principe similaire, on peut envisager que donner d’importantes responsabilités, libertés et espaces de créativité à tous les participants est sans doute le meilleur moyen d’obtenir une bonne cohésion du groupe, une satisfaction haute et un résultat abouti.
Cela n’a rien à voir avec la centralisation du rôle d’un MJ ou avec sa répartition (ce que certains appellent JDR sans MJ), mais avec la nature du contrôle exercé par l’animateur de la partie : celui qui propose le jeu et en explique les règles qui peut être un MJ ou un participant comme les autres.
Même dans un jeu « sans MJ », l’un des participants fera office d’animateur et exercera donc un contrôle.
Un JDR fonctionnant selon un contrôle « laisser-faire » partirait du principe qu’il n’y aurait pas de structure pré-établie, pas vraiment de règles prédéfinies et créerait une certaine désorganisation. Les parties « improvisées sans MJ », sans la structure de règles spécialement construites pour jouer de cette manière seraient les plus à même à produire ce type de résultat.
Ces responsabilités, libertés et espaces de créativité peuvent porter sur de nombreuses choses : l’évolution de l’histoire, la création du décor, l’élaboration de tactiques, la possibilité d’éprouver la cohérence de la fiction etc.
Je reviendrai sur ce sujet dans un prochain article.
Commentaires
Le but de ces principes, c’est de vous aider à régler un certain nombre de problèmes parfois assez difficile à cerner.
Je serais très intéressé par vos retours au sujet de l’utilisation de la mise en place des méthodes présentées.
En ce qui me concerne, je les applique continuellement et j’admets obtenir d’excellents résultats.
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Voilà une question qui m’a valu de belles déconvenues autant joueur que MJ : quand un jeu propose de créer toute une variété de personnages avec des compétences et des talents hétéroclites, mais qui ne s’imbriquent pas dans une partie, le joueur tend à se trouver inefficace et n’a donc aucun moyen d’appréhender les enjeux forts du scénario.
C’est vrai : quoi de pire que de construire un personnage possédant de super-facultés-qu’on-crève-d’envie-de-les-expérimenter et de ne jamais pouvoir les utiliser dans la partie, voire, dans la campagne ?
Les responsables
Les scénarios qui prévoient à l’avance les enjeux que devront affronter les PJ entrent en contradiction avec une proposition de PJ possibles beaucoup trop lâche en regard de ce que l’on peut vraiment jouer avec le jeu, ou de ce que vous-même souhaitez en faire = la marge de compatibilité entre la partie jouée et les types de PJ risquent de se trouver extrêmement faiblarde.
J’ai vu un barde sans talents de combat devoir rejoindre une bataille contre des créatures ignobles, un joueur avec la compétence « accouchement », jamais utilisée sur une campagne jouée sur presque deux ans, des personnages avec un background ou des croyances jamais mise en application, et des personnages ne pouvant rien faire dans une situation donnée (à la pelle) !
Des solutions
- Choisir la forme de vos histoires : établir ce que font les PJ dans vos histoires, si le jeu repose sur l’enquête, les PJ doivent être des enquêteurs, donnez-leur donc de quoi enquêter, le reste est un plus ; si le jeu est orienté baston, donnez-leur de quoi se battre et faites en sorte qu’aucun participant ne soit trop faible dans ses disciplines martiales pour assurer un combat ; si c’est une romance, donnez-leur le moyen de la construire par leurs histoires personnelles, leurs croyances, leurs relations etc. de plus, si ces éléments ont une répercussion sur les mécaniques de jeu, c’est encore plus fort. Plus vous chercherez à diversifier la forme de vos histoires dans un seul et même jeu et plus vous risquerez de distendre la marge de compatibilité.
- Proposer des compétences/talents/traits/pouvoirs/background qui peuvent être utilisés dans un maximum de situations, histoire d’éviter les parties ou chacun joue quand enfin l’enjeu de la situation se rapporte à ses capacités. La spécialisation à l’extrême, c’est le mal.
- Écrire des scénarios adaptés à la forme de vos histoires et ne permettez pas aux joueurs de créer des personnages inadaptés à vos scénarios (c’est tellement évident et pourtant, si peu mis en pratique).
- Écrire des préparations de situations ouvertes, plutôt que des scénarios composés en successions de scènes et d’événements rigides. Moins l’évolution de l’histoire est prédéterminée, plus les joueurs pourront placer leurs compétences/talents/traits/pouvoirs/background dans les situations rencontrées. Celui qui « lutte contre les hérésies », plutôt que d’attendre de rencontrer un hérétique, pourra le suggérer au MJ, qui lui-même peut consulter les fiches de personnage et adapter ses situations en fonction de leur contenu, celui qui est médecin pourra rencontrer des cas où ses compétences médicales seront nécessaires etc.
- Écrire des pré-tirés fortement liés aux enjeux de votre scénario, ou de votre préparation de situation.
Bien sûr, il ne s’agit pas de faire tout cela à la fois, mais de choisir un cocktail de ces solutions selon votre convenance.
Même si votre jeu propose de jouer des personnages inadaptés aux situations qu’ils vont rencontrer, leur inadaptation doit être gérée comme une façon de rendre les personnages efficaces dans l’évolution souhaitée pour l’histoire, par exemple : en reportant l’inaptitude sur des conséquences désastreuses de leurs actions, sans faire en sorte que les PJ ratent tout ce qu’ils entreprennent, ce qui peut vite tourner au festival de l’ennui.
Et vous, comment évitez-vous ces incompatibilités ?
Il m’est arrivé plusieurs fois de dire que je n’aimais pas les discussions qui s’éternisent entre joueurs. Je constate que c’est souvent perçu comme un point fondamental de la pratique de nombre de rôlistes, voire, un gage de qualité.
Bien entendu, loin de moi l’idée d’interdire aux joueurs de faire discuter leurs personnages entre eux, notamment quand les enjeux de la partie nécessitent que les PJ règlent des désaccords.
En revanche, il existe un certain nombre de cas de figure qui, accusant certains biais, peuvent s’éterniser et nuire à la qualité de la partie.
Je vous propose de nous pencher dessus et d’observer les moyens d’y remédier.
1) Convaincre l’autre
Lorsqu’un conflit oppose deux personnages, les participants pourront être amenés à discuter avec plus ou moins de véhémence en cherchant à convaincre l’autre et à se départager par plus de théâtralité ou en cherchant les arguments massue. Lorsqu’aucun moyen de les départager n’est prévu, il peut arriver que chacun campe sur ses positions.
Cela peut arriver entre joueur et MJ, mais aussi et surtout entre joueurs. Le MJ de par ses responsabilités tournera la page pour faire évoluer l’histoire, soit en décidant que les joueurs ont produit suffisamment d’efforts, soit en trouvant un moyen de signifier leur échec par un rebondissement. Notez qu’il arrive fréquemment que des MJ avouent être trop « gentils » avec leurs joueurs ou au contraire ne pas savoir céder et leur donner gain de cause.
Pire, les dissensions entre joueurs peuvent ne jamais se résoudre, ou presque, quand chacun défend corps et âme la cause de son PJ.
En quoi ça peut poser problème ?
- Le joueur se rendant compte de l’arbitraire du jugement du MJ peut se sentir frustré de voir que ses efforts ne servent à rien ; souvent le simple fait de n’avoir aucune idée de ce que le MJ attend d’eux peut attiser la frustration des joueurs ;
- quand au contraire le MJ est trop coulant, la résolution est trop facile et peut décevoir les joueurs ;
- les joueurs peuvent s’adonner à la surenchère ce qui peut détruire toute subtilité dans les conflits verbaux, voire pousser les joueurs à utiliser des moyens disproportionnés pour atteindre un objectif pas si important que ça.
Comment éviter ces excès ?
On peut expliquer la difficulté à résoudre ces situations du fait que les enjeux fictifs n’auront jamais sur les participants le poids qu’ils sont censés avoir sur les personnages.
Pour restituer aux joueurs des enjeux à leur niveau, il faut :
- permettre de trancher et d’établir de la manière la moins arbitraire possible qui obtient gain de cause ;
- il est primordial que les participants puissent mesurer l’impact de leurs propos au cours de l’échange ;
- un simple jet de dés est souvent mal venu puisqu’il ne prend pas en compte l’effort généré par les participants, ni le poids des enjeux.
Des mécaniques de négociation et de transactions permettront aux participants de mettre fin à leur échange par un choix : qu’est-ce que je sacrifie contre gain de cause ?
Il peut s’agir aussi bien de répercuter cela sur une jauge d’honneur du personnage, que d’influer sur la qualité de ses relations, sur ses croyances, sur sa volonté etc.
2) Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
Quand les enjeux des situations sont trop insaisissables pour les joueurs, que le scénario ou le MJ ne donnent pas suffisamment de clés aux joueurs pour qu’ils connaissent (ou envisagent) leurs objectifs, leurs raisons d’agir, les risques et/ou les gains possibles, les joueurs auront tendance à spéculer sur ces points aussi longtemps qu’ils n’auront pas le sentiment d’avoir clarifié la situation.
Bien sûr, moins la situation est claire, plus leurs estimations auront de chances d’être approximatives et donc loin de la réalité.
En quoi ça peut poser problème ?
- Cela est générateur de situations burlesques et de quiproquos, ce qui peut valoir le coup si vous jouez des parties humoristiques et des histoires d’antihéros, mais dans de nombreux cas, c’est inadapté ;
- ce temps passé à spéculer et à tergiverser pourrait être utilisé pour vivre des événements riches en émotions ;
- ça dilue terriblement le rythme des parties quand c’est fréquent ;
- à trop mener les joueurs en bateau, vous risquez de vous amuser à leurs dépends.
Comment éviter ces excès ?
- Comprenez que l’on peut créer du mystère et des surprises sans laisser les joueurs dans une complète ignorance des objectifs, des raisons d’agir, des risques et/ des gains possibles ;
- un bon coup de théâtre est toujours amorcé en amont d’un histoire, il ne s’agit donc pas de laisser un flou total sur les événements, mais de laisser quelques points d’interrogation que vous résoudrez à la fin ;
- les secrets et les mystères ne sont pas le seul moteur du plaisir en jeu de rôle, tâchez de créer des situations avec des enjeux explicites plutôt que de toujours noyer le poisson ;
- prévoyez des successions de révélations plutôt que seulement des mystères ;
- si les joueurs pensent que le MJ cherche à les piéger, ils seront plus frileux à l’idée de se lancer et tendront à passer plus de temps à examiner les situations sous tous les angles ; ça vaut le coup que les joueurs aient des garanties qu’ils ne pourront pas mourir sur un coup de tête, ni sur un bête lancer de dés et pareillement, que le MJ ne cherchera pas à les piéger.
On aurait envie de créer des révélations spectaculaires à la fin de nos parties et par crainte que ça tombe à l’eau, on a tendance à plonger les joueurs dans le brouillard. S’ils ne peuvent rien deviner, la surprise fonctionnera à plein.
Ce fonctionnement risque de provoquer plus d’ennui que de plaisir, veillez à donner de la matière aux joueurs et de véritables enjeux pendant la partie et non pas seulement à la fin. N’hésitez pas à créer plusieurs intrigues pour les occuper en attendant la révélation finale si vous souhaitez absolument amener un coup de théâtre final.
3) Établir une tactique
Dans des moments forts, il peut arriver que les joueurs doivent élaborer des tactiques pour optimiser leurs chances d’atteindre leur but.
Un choix tactique peut se situer à plusieurs niveaux :
- il peut s’agir de gérer au mieux les possibilités qu’offre le système de résolution ;
- il peut s’agir de gérer au mieux ses propres ressources (armes, pouvoirs, talents etc.) ;
- il peut s’agir de conjuguer au mieux les qualités de plusieurs personnages.
C’est ce dernier cas de figure qui entraîne généralement les joueurs à discuter entre eux des meilleures décisions à prendre.
En quoi ça peut poser problème ?
- Dans le cas où l’élaboration de la tactique est purement spéculative ;
- dans le cas où les joueurs ne sont pas d’accord sur la tactique à aborder.
Comment éviter ces excès ?
- Il faut que les risques et les gains possibles soient clairs ;
- les avantages et les désavantages doivent être majoritairement clairs ;
- si les joueurs sont en désaccords, ils doivent pouvoir régler facilement leur litige (cf. le point « 1) Convaincre l’autre »).
4) Trancher un dilemme
Dans certains cas de figure, les joueurs peuvent discuter longuement du choix à faire face à un dilemme.
Un dilemme propose plusieurs choix dont aucun n’est meilleur que les autres. Chacun implique de sacrifier quelque chose d’important.
En quoi ça peut poser problème ?
- Quand les joueurs ne sont pas d’accord sur le choix à faire ; généralement lié au fait que les avantages et inconvénients de chaque choix n’aient pas les mêmes répercussions pour chaque personnage ;
- quand les joueurs cherchent un compromis, ils peuvent dépenser une énergie folle à ne pas accepter le choix que leur oppose le dilemme et peuvent perdre beaucoup de temps.
Comment éviter ces excès ?
- Un dilemme est plus fort s’il s’adresse à une seule personne plutôt qu’à un groupe, car il doit toucher aux valeurs du personnage et du joueur et demander de choisir entre deux choses qui l’affectent personnellement et vont définir sa propre éthique ;
- comme le dilemme porte sur les valeurs éthiques, s’il vise à confronter les divergences entre les valeurs de plusieurs personnages/joueurs, il faut permettre aux joueurs de se départager facilement (cf. le point « 1) Convaincre l’autre ») ;
- un véritable dilemme doit être clair sur le fait qu’il n’existe pas de compromis : si je dois choisir entre vivre et sauver le monde, il ne devrait pas être possible de survivre tout en sauvant le monde, ni de subir une blessure non létale tout en sauvant la majorité du monde.
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Voilà, si comme moi vous n’appréciez pas quand les joueurs passent beaucoup de temps à tourner en rond autour de ces points, ces quelques réflexions devraient vous être utiles.
N’hésitez pas à apporter votre point de vue en commentaire.
Mushishi est une série animée réalisée par Hiroshi Nagahama, adaptée d’un manga écrit et illustré par Yuki Urushibara.
Mushishi suit le voyage de Ginko, un homme aux cheveux blancs malgré son jeune âge et aux yeux d’un vert étrange, capable de voir et de comprendre les mushi, créature invisibles peuplant le monde, les plus proches de la source de vie parmi le règne animal et végétal.
Ces êtres peuvent prendre des apparence simples de vers, comme celles plus complexes de dragons, de fantômes ou d’infestation de rouille…
Par leur présence, les mushi peuvent s’avérer bienfaiteurs ou causer maladies et affections diverses.
Ginko aide les populations à soigner leurs afflictions tout en préservant les mushi.
Il s’agit d’un des plus beaux animés qu’il m’ait été donné de voir. Je vous propose de décortiquer ici la relation entre mon jeu et son influence principale.
Le mystère et la beauté
Ce qui m’a intéressé lorsque j’ai commencé à travailler sur Prosopopée, c’était de pouvoir explorer un univers rempli de mystères et de beauté. Dans Mushishi, Ginko le héros en sait plus sur le fonctionnement du monde et sur les mushi que n’importe quel autre personnage. J’avais donc deux choix : soit pré-établir un ensemble de savoirs que les joueurs devraient connaître, soit laisser les joueurs inventer eux-mêmes ces savoirs durant la partie. J’ai opté pour la deuxième solution dans un soucis de simplicité et parce que l’idée de permettre aux joueurs d’être créatifs sur ce point me séduisait particulièrement.
Un jeu zen et contemplatif
Un autre aspect important, c’était de pouvoir faire de ce jeu, un jeu zen et contemplatif. J’ai en effet toujours été attiré par les mythologies shintoistes, bouddhistes et la relation au monde qu’elles portent, notamment en portant un message écologique.
Mushishi interroge la relation de l’humain à son environnement et à sa compréhension du monde.
Après différents essais où le MJ tentait d’amener lui-même cette dimension, j’ai tenté, suite à une partie du jeu de rôle d’In a Wicked Age de Vincent Baker, de laisser les joueurs créer l’univers pendant la partie. Il s’est avéré que cela les incitait à s’intéresser davantage au décor, on pouvait passer du temps à décrire aussi bien une fleur, qu’une montagne et l’histoire d’un peuple.
De plus, après lecture de Breaking the Ice d’Emily Care Boss, j’ai intégré l’idée de récompenser les narrations des autres participants qui nous plaisent. Dans Breaking the Ice, il s’agit d’un parallèle avec la séduction qui est censée opérer entre les personnages. Dans Prosopopée, il s’agit d’une incitation à narrer de belles choses le résultat est au delà de mes espérances : cette technique permet de rendre explicite le plaisir que chacun prend et crée donc un cercle vertueux d’incitation à dire et à faire de belles choses.
De plus, entre l’apparition d’un problème et sa résolution, il s’écoule un certain temps. Les joueurs ne sont donc pas amenés à réagir immédiatement, mais ils prennent le temps d’explorer la situation et de comprendre les problèmes avant de chercher à les résoudre.
C’est encore Mushishi qui m’a permis d’envisager une telle structure : Ginko arrive dans un lieu, il découvre une succession de problèmes, les étudie, les comprend puis les résout dans la mesure du possible.
Les joueurs doivent doser leurs actes, s’ils lancent trop de dés, ils ne réussiront pas aussi bien que s’ils en lancent le bon nombre. Les conséquences sont rarement purement positives ou négatives, un échec de jet de dés est plus un prétexte pour amener du changement et faire de nouvelles narrations, étoffer l’univers et la situation. Les échecs se répercutent principalement sur les populations que l’on tente d’aider.
Des héros altruistes
Dans Mushishi, Ginko est altruiste : il aide les gens qu’il rencontre sans forcément exiger quelque chose en retour. Il récupère généralement des « reliques » de mushi qu’il revend, mais ce n’est pas sa principale raison d’agir. Ce point là m’intéressait particulièrement, puisque c’était un véritable défi pour un jeu de rôle où la majorité de mes expériences tendaient à un individualisme forcené.
Trois points importants m’ont permis d’amener les joueurs à jouer des héros altruistes :
- les problèmes ne touchent que les personnages secondaires, jamais les héros ;
- les héros sont protégés, les autres joueurs ne peuvent pas leur faire subir des choses arbitrairement ;
- il n’y a pas de gain de puissance, les héros se développent esthétiquement, ils peuvent changer d’apparence, savoir faire de nouvelles choses, mais il n’y a pas d’optimisation possible.
Dans Mushishi, Ginko est rarement affecté par les problèmes, il prend parfois de gros risques pour aider les autres, il risque sa vie, il perd même un œil, mais l’enjeu est rarement centré sur lui. C’est lui en revanche qui agit et qui trouve les solutions la plupart du temps.
On retrouve ce schéma de héros itinérants et altruistes dans beaucoup d’histoires japonaises. Sans doute héritées des traditionnels médecins itinérants et autres professions de voyageurs.
La justification dans la fiction
Les connaissances et perceptions extraordinaires de Ginko sont justifiées du fait qu’il a lui même vécu une expérience extraordinaire avec un mushi.
Pour qu’une partie de Prosopopée soit un rêve éveillé, toutes les techniques employées par le jeu ont une justification dans la fiction : le don de dés est une offrande que des divinités, incarnées par les joueurs, se font entre-elles, les héros ne peuvent pas être affectés par les problèmes rencontrés parce qu’ils sont habités par une divinité etc.
Pour finir
Au final, je suis parvenu à quelque chose que je n’aurais jamais cru possible au départ. Le fait de pouvoir m’inspirer des spécificités d’une fiction linéaire a été décisif dans la construction de mon jeu. Mais sur un certain nombre de partis pris, j’ai pris de la distance avec Mushishi. Il n’est pas nécessaire de connaître la série animée pour pouvoir jouer au jeu, je ne me réclame d’aucune licence, car Prosopopée a sa propre forme et peut produire des histoires proches comme différentes de son inspiration au final. C’est aussi une des spécificités du jeu de rôle. La création d’un jeu vous échappe en partie et ce qu’en feront les joueurs dépassera l’idée que vous vous en faites, c’est un de ses aspects qui me plaît par dessus tout.
Certains éléments de contenu facilitent la mise en scène en jeu de rôle. Pour cet article, j’aimerais aborder les contraintes et les habitudes des personnages.
- Les contraintes sont des choses que le personnage est normalement tenu de faire : exercer son métier, répondre à son devoir, respecter les lois etc.
- Les habitudes sont des choses que le personnage choisit de faire de façon routinière : aller au cinéma, voir ses amis, se perfectionner aux arts martiaux etc.
Souvent, ces choses-là sont prises en compte ne serait-ce qu’intuitivement pendant le jeu, mais lorsqu’on les fixe avant le début de la partie, cela permet de faciliter la préparation et l’improvisation des scènes.
Prenons un exemple
C’est en jouant à mon jeu Bienvenue à Poudlard que j’ai pris conscience de l’importance des contraintes et habitudes : les PJ sont des élèves dans une école de sorcellerie et ont donc beaucoup de devoirs et d’interdits.
Bienvenue à Poudlard |
|
Contraintes | Habitudes |
---|---|
Ils n’ont pas le droit de sortir de l’école | Ils ont des loisirs (Quidditch, club d’échecs sorciers, club de bavboules etc.) |
Ils n’ont pas le droit de sortir de leur dortoir après le couvre-feu | Ils peuvent participer à des sorties scolaires |
Ils doivent aller en cours | Ils passent du temps avec leurs amis |
Ils doivent faire leurs devoirs | Des fêtes sont données à l’école |
Ils peuvent avoir des punitions s’ils contreviennent au règlement | Ils ont des récréations |
Ils ont des heures d’études à la bibliothèque | Ils ont des vacances |
Ils mangent à heure fixe | Ils ont des weekends |
… | Ils mangent tous ensemble |
… |
Ces contraintes et habitudes sont d’importants facilitateurs pour l’improvisation, mais également pour préparer des scènes.
Si en tant que MJ, je veux faire combattre les PJ contre une créature, je n’ai qu’à décider qu’elle s’échappe de sa cage durant un cours (si c’est vraisemblable bien entendu) ou qu’elle rôde autour de l’école. Dans le cas où la créature survient pendant un cours que suivent les PJ, la rencontre peut être imposée aux joueurs sans que cela ne bride leur liberté, puisque la rencontre est liée à une contrainte admise par les joueurs : on est des élèves, on a donc des heures de cours obligatoire toute la semaine.
Si en tant que MJ, je lance une scène de rivalité entre élèves en impro, je peux décider que ça se passe dans l’intercours, ou pendant la récréation, pendant une heure d’étude à la bibliothèque, pendant un cours etc. Je n’ai que l’embarras du choix. Encore une fois, qu’un événement survienne dans un contexte routinier légitime le fait qu’il ne soit pas révélé suite aux actions des PJ initiées par les joueurs.
Bien entendu, Bienvenue à Poudlard se jouant dans l’univers d’Harry Potter, il y a bien plus de choses qui nous aident à stimuler notre imaginaire pendant une partie du jeu, mais ces éléments là me paraissent fondamentaux concernant la facilitation de mise en scène. Ils fonctionnent même avec les joueurs qui ne connaissent pas l’univers de Harry Potter.
Autres exemples de contraintes et habitudes
Contraintes | Habitudes | |
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Dogs in the Vineyard | Les PJ doivent chasser le péché des villes qui leurs sont assignées | Ils ont toutes sortes de rites |
Ils doivent pratiquer les offices religieux et aider ceux qui leur demandent de l’aide | Leur peuple ont des eus et coutumes spécifiques | |
Ils sont responsables de l’état dans lequel ils laissent les villes | Ils sont généralement acclamés par les villes qui les reçoivent | |
Ils sont les garants de la loi divine | Ils ont une marge de manœuvre dans leurs interprétation de ce qui est moral ou non | |
… | … | |
Polaris, chivalric tragedy at the utmost north | Les chevaliers doivent protéger leur peuple | Ils vivent dans les vestiges de la grande cité |
Ils doivent combattre les démons | Selon les saisons, leur rôle change et les activités de leur peuple également | |
Ils ont également des responsabilités à l’égard de leurs proches | Ils voyagent souvent | |
Ils sont voués à mourir ou trahir leur peuple | Les relations affectives et hiérarchiques ainsi que leurs ennemis ont une grande importance dans l’histoire | |
Ils sont aux ordres de leurs supérieurs | … | |
… |
Pour conclure
Un jeu où l’on ne sait pas avant la création des PJ quelle activité ils exerceront, dans quel contexte, quelles sont les limitations, les lois etc. tendra à augmenter la difficulté à créer une compatibilité entre la préparation de la partie par le MJ (situation, scénario etc.) et la création des PJ.
Un jeu où l’on ne sait rien de la routine d’un personnage : son activité, ses habitudes etc. tendra à causer plus de difficultés pour démarrer les scènes en impro. En effet, si je sais que le PJ d’un autre joueur est détective, je peux le lancer sur les traces d’un criminel. Si je ne sais pas vraiment quelle est la routine de mon propre personnage, il y a des chances pour que je doive faire un effort supplémentaire pour cadrer sa scène. Si un autre participant (le MJ par exemple) doit cadrer une scène pour mon personnage, il doit en connaître assez sur lui pour ne pas trahir l’image que j’en ai. Il est bienvenu de me poser des questions pour en savoir plus sur mon personnage.
Cette réflexion vient en complément des articles Les trois dimensions et Le JDR est potentialité.
Commentaires bienvenus !
En jeu de rôle, les joueurs sont généralement confrontés à des choix amenés par la situation. Selon le type d’enjeux qui priment, différents types de choix seront privilégiés.
Note : dans les points ci-dessous, quand je parle de MJ, il peut s’agir de MJ traditionnel, ou d’un ou plusieurs participants qui endossent une partie du rôle du MJ.
Le choix prévu
Le MJ propose une épreuve dont il prévoit la ou les solutions admissibles. Les autres idées ne sont pas acceptables.
C’est le cas des énigmes, selon moi, ce procédé pose un problème important : il demande aux joueurs de trouver ce que le MJ a en tête, ce qui signifie que le MJ doit toujours choisir des solutions que les joueurs pourraient trouver, mais pas trop facilement !
Dès que les solutions sont trop difficiles à trouver, les joueurs pataugent et le risque d’ennui n’est pas négligeable. Si les joueurs trouvent les solutions trop facilement, les épreuves n’ont pas vraiment d’intérêt.
Je pense qu’aucun jeu social n’a intérêt à proposer ce type de choix, pour la simple et bonne raison que les énigmes et les casse-tête sont des activités solitaires et que se réunir pour un temps limité n’a pas d’intérêt si c’est pour cogiter longtemps dans le but de trouver la solution.
Il n’y a pas pire sabotage du rythme d’une partie qu’un choix dont les joueurs ne trouvent pas la bonne solution après moult tentatives.
Le choix adapté
Le MJ propose une épreuve dont il ne prévoit pas les solutions admissibles. Il peut en prévoir, mais accepte celles qu’inventent les joueurs dès lors qu’il les juge adaptées.
Ce principe est très proche du « choix prévu », mais se distingue par le fait qu’il donne sa place à la créativité des joueurs. Le MJ se place en position de juge de la pertinence et de la qualité des propositions des joueurs.
De cette manière, on évite le problème du « choix prévu » du fait que plusieurs solutions sont possibles, cela peut inciter les joueurs à rivaliser d’inventivité pour surmonter les épreuve, si le MJ n’est pas trop exigeant ou trop accommodant (ce qui reste moins problématique de manière générale).
Il faut entretenir une parfaite confiance entre joueurs et MJ, afin d’éviter qu’un jugement soit considéré arbitraire et injuste. Permettre aux joueurs d’envisager les solutions possibles est un bon moyen de déjouer ce risque.
Vous pouvez également moduler votre niveau d’exigence de façon progressive au fil de la partie de façon à éviter que tout ne paraisse trop simple ou trop difficile : les premières épreuves seront très simples, vous accepter n’importe quoi de cohérent et les dernières très difficiles, vous n’acceptez que des idées inventives.
Le choix optimisé
Le joueur doit gérer les ressources à sa disposition afin d’optimiser ses chances de succès concernant une épreuve, voire la réussite de son objectif sur le long terme.
Ce choix que l’on peut aussi appeler choix tactique me paraît fonctionner d’autant mieux qu’il est cadré par les règles du jeu plutôt que par le jugement d’un participant. Par exemple, si le joueur sait que se mettre à couvert lui offre un bonus défensif, il sera tenté d’exploiter cette ressource dès que possible, tant qu’elle n’interfère pas avec son idée principale.
Le fait de laisser le MJ juger peut parfois donner un sentiment d’arbitraire et donc d’injustice et cela demande au MJ d’avantager ses adversaires pendant un affrontement. Si c’est le système de jeu qui encadre ce genre de choix, soit le meilleur choix devra être bon pour la dynamique du jeu (voir un jeu comme Poison’d de Vincent Baker) de manière à inciter les joueurs à le faire souvent, soit les choix possibles et leurs combinaisons (s’il en est) doivent tous se contrebalancer de façon à ce qu’aucun ne soit toujours meilleur ou moins bon que les autres, mais plutôt que leur utilité varie selon la situation.
Le choix formel
Dans une situation donnée, le joueur connaît les codes selon lesquels les choses doivent suivre leur cours. Il a la liberté de dire comment ce qui doit être est, voire, d’enrichir le champ de ce qui paraît acceptable.
Le choix formel n’est pas tant un choix influant sur les événements de l’histoire jouée que sur l’épaisseur de la fiction. Le but est d’apporter plus de Couleur, de renforcer la cohérence, la capacité de la fiction de nous faire vivre un rêve éveillé.
Le choix formel est généralement le choix principal des joueurs pour la situation. S’il est cumulé à d’autres types de choix, il sera bien plus secondaire, mais ne devrait pas constituer le point de focalisation des participants. Juste une plus-value.
Quand les joueurs n’ont pas en main les clés nécessaires à leur liberté créative, il arrive que le MJ doive corriger leurs choix, ce qui tend à déposséder les joueurs de leurs personnages et à saper leur liberté créative.
Le choix ouvert
Le MJ oppose une épreuve sans décider à l’avance des solutions possibles et en faisant en sorte que toutes les réponses que pourra apporter le joueur développe l’histoire de manière satisfaisante.
Le dilemme est une forme de choix ouvert, mais dès que ce qui compte dans un choix, c’est de voir quelles conséquences vont en résulter, on est dans un choix ouvert. Le dilemme se pose quand aucune des possibilités offertes ne semble valoir mieux que l’autre aux yeux du joueur.
Le choix ouvert signifie qu’il n’y a pas de bonnes et de mauvaises solutions, simplement, ce choix doit poser une question au joueur : « préfères-tu sacrifier ton meilleur ami ou mourir ? », « préfères-tu être traîné dans la boue ou perdre un bras ? », « préfères-tu trahir ton camp pour le protéger ou respecter tes valeurs quitte à le condamner ? » etc.
Toutes les réponses que donnera le joueur seront acceptables et l’histoire se poursuivra jusqu’à ce que toutes les questions posées aient trouvé une réponse.
Des choix ouverts nécessitent de manier l’improvisation, de façon à faire évoluer la situation en fonction des choix des joueurs (et non pas en prévoyant son déroulement à l’avance) afin de rendre les conséquences de leurs choix possibles quels que soient les choix effectués et de construire l’histoire autour.
Le MJ peut en préparer avant la partie ou les participants peuvent les construire pendant la partie. Dans le deuxième cas, il faut que la préparation des personnages, leurs objectifs, leurs convictions, leurs relations présentent des points d’achoppements, ou bien qu’elles offrent à un tiers participant de facilement dresser des choix ouverts.
Le système de jeu peut lui-même produire de ces choix (cf. Dogs in the vineyard, où le système de Conflits propose souvent : abandonner le Conflit ou utiliser la violence?).
Le choix ouvert peut tout simplement conclure une partie composée tout du long de choix autres, ce qui signifie que les fins possibles seront libres ; parfois le nombre de fins possibles étant limitées, le MJ peut envisager les conséquences possibles, mais cela devient ardu, voire contreproductif si une partie comporte plusieurs choix ouverts sur sa durée.
Ainsi…
Bien identifier les choix que vous voulez que votre jeu ou votre partie amènent vous permet de mieux préparer votre partie, les PJ et les PNJ, mais aussi décider comment les soutenir par un système adapté et cohérent.
Les choses à éviter
Voici plusieurs problèmes que je rencontre fréquemment et quelques conseils associés :
Les choix aveugles
Un choix aveugle est un choix désengagé. On pourrait aussi bien le tirer à pile ou face, ce qui signifie qu’il ne suscite aucun intérêt.
Quels que soient les choix que vous proposez, faites toujours en sorte que les joueurs puissent envisager leurs résultats ou leurs répercussions possibles.
Exit les choix du type : « couloir de droite ou couloir de gauche ? ». Il est important de permettre aux joueurs d’envisager le résultat de chaque choix, mais il est indispensable qu’il puisse toujours y avoir une dose d’imprévu.
Les choix sans enjeux
Les choix sans enjeux sont inutiles :
- vous êtes devant la porte, qu’est-ce que vous faites ?
- je frappe.
- l’hôte t’ouvre…
(Mais quelle surprise !)
Si une situation ne présente pas d’enjeux (ne serait-ce que formels), inutile de laisser le choix, faites des ellipses, allez à l’essentiel.
Autre exemple :
- vous êtes sur la route qui mène à la ville, que faites-vous ?
- Eh bien… j’avance…
- ok !
(Tous ces exemples sont du vécu)
Les temps de pause, les moments où les joueurs décompressent, sont en roue libre, sont néanmoins nécessaires, mais en évacuant les choix sans intérêt, vous pourrez distinguer ces parenthèses et les mettre en valeur.
Les pièges
Attention aux pièges ! Piéger vos joueurs n’est cool que si les joueurs ont des moyens de le contrecarrer, si les pièges ne tombent pas du ciel. Je ne parle pas seulement des trappes et des dalles qui actionnent des jets de fléchettes. Je parle aussi des coups de théâtre et autres ficelles scénaristiques.
Évitez les consensus
On peut prendre un peu de temps pour faire un choix, mais les discussions entre joueurs visant à mettre tout le monde d’accord pouvant parfois s’éterniser, elles me semblent pouvoir ternir rapidement une partie. Quand vous trouvez que les joueurs manquent de spontanéité, faites en sorte de clarifier vos situations. Si la situation est claire pour tout le monde, on ne spéculera plus, on règlera plus rapidement la question de qui fait quoi et comment.
Les joueurs craintifs
Si vous en avez marre que vos joueurs soient craintifs et ne déclenchent jamais d’actions flamboyantes et audacieuses :
- arrêtez de les piéger ;
- ne leur faites jamais subir arbitrairement des pertes (que ce soit perdre quelque chose comme une bourse d’or, ou perdre son personnage) ; permettez-leur d’avoir une emprise sur la mort de leurs personnages, qu’elle découle d’un choix, d’une prise de risque, plutôt que d’un manque de chance.
N’hésitez pas à commenter !
Aujourd’hui je vous propose un témoignage pour changer :
Il y a quelques jours, au milieu d’un repas hivernal dans ma belle famille, la question fatidique m’a été posée : « ça parle de quoi ces livres que tu écris ? »
Alors moi : « ce sont des jeux qui permettent de construire une histoire. » Pensant que ça leur suffirait et que je pourrais avec ça éviter d’aller plus en profondeur.
C’était sans compter l’ami d’une cousine de ma femme, qui s’intéresse au monde ludique et qui me demande en quoi ça consiste.
Je commence donc à lui expliquer vaguement que les joueurs jouent des personnages dans des décors fictifs, avec des « mécaniques » visant à faciliter « l’immersion ». Je crois que d’une certaine manière, je tâtais un peu le terrain par ces explications vagues : s’il connaissait le JDR ou les jeux vidéo dits « RPG », ça le ferait réagir.
… Gros silence, je me rends compte à ce moment-là que tout le monde autour de la table écoute : oncles, tantes, grand-mère… et qu’aucun d’entre eux n’a la moindre connaissance de ce qu’est un jeu de rôle. Pire, personne ne pane un traître mot de ce que je bave.
Galère…
Déjà, je me suis refusé de parler de « jeu de rôle » pour commencer afin d’éviter l’étiquetage, car j’ai déjà eu la surprise de me rendre compte que mon beau père pensait que je faisais du GN. Je me suis donc embourbé dans un mélange de concepts abscons et de tentatives de vulgarisation sans queue ni tête.
Plusieurs choses au final ont permis de dissiper la perplexité ambiante :
- le fait de me centrer sur un seul jeu (Prosopopée ici) ; car expliquer les fondements du JDR dans sa globalité requiert forcément de manier un langage abstrait, alors que ne parler que d’un seul jeu permet de donner des exemples plus concrets ;
- présenter l’activité en commençant par les fondamentaux : on s’assoit autour d’une table et on « narre » par des descriptions verbales ce qu’il se passe dans la fiction ; par les contributions de chacun et par des règles qui indiquent la marche à suivre, on tisse une histoire.
- expliquer le but du jeu qu’on présente, par exemple pour Prosopopée : le but est de créer un monde « beau », comme un beau tableau, tout en trouvant un moyen de résoudre les problèmes qui affectent la population qui y vit.
Ma femme a fini par m’aider en expliquant une partie de ces choses là. Sa cousine a fini par lâcher « ah, mais c’est comme du jeu de rôle en fait » ! (Visiblement, tout le monde n’était pas complètement profane). Plusieurs personnes m’ont posé des questions pertinentes qui m’ont permis petit à petit de mieux cibler mes explications.
J’avais déjà écrit un article à ce sujet : http://froudounich.free.fr/?p=526 mais je n’avais jamais pris de plein fouet la difficulté qu’il peut y avoir à expliquer ça à une assemblée hétérogène totalement profane.
La différence de générations entre les interlocuteurs et d’affinités avec le monde du jeu et de la fiction m’a rendu la tâche bien plus délicate que je n’aurais pu l’imaginer. En plus, s’agissant de ma belle famille, je me sentais moins à l’aise que si ça avait été des amis ou des parents proches. Je ne savais même pas les références que je pouvais utiliser, ne sachant pas si elles leur parleraient.
Au final, je ne suis pas sûr que beaucoup d’entre eux aient vraiment compris. Un oncle a demandé vers la fin de la discussion : « mais en fait, c’est sur ordinateur ? » avant de se voir détromper par les autres… ^^
Enfin, voilà un vrai défi si l’on s’intéresse à des publics différents.
Et vous, comment vous-y prenez-vous pour expliquer votre passion ?
Je vous propose un élément d’aide à la structuration de JDR et de parties. Je distingue trois dimensions importantes dans la composition d’un jeu responsables de l’unité d’une partie et de son histoire :
-
L’Action
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Le Focus
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L’Espace
Mon parti pris, c’est de dire que l’on ne peut pas proposer de liberté absolue sur ces trois dimensions à la fois : si l’on veut laisser plus de liberté sur l’une, il faut contraindre les autres.
Si l’on considère que l’un des défis de jouer ensemble à un jeu de rôle, c’est de permettre à chacun de s’intéresser à ce que font les autres, ces trois dimensions me paraissent fondamentales.
Je vous propose de définir ces trois dimensions :
L’Action
Je définis l’Action au sens dramatique ; en jeu de rôle ce sont les techniques concernant les actes des personnages, mais aussi leurs objectifs et motivations, la manière dont cela est introduit dans la partie.
Une contrainte d’Action fera en sorte, par exemple, que les joueurs suivent tous le même objectif avec possibilité ou non de leur permettre d’en dévier. Les éventuels objectifs secondaires sont généralement des contretemps pour les autres participants et gagnent donc à être évités.
Le fait de rester groupés constitue une contrainte d’Action forte, présente dans beaucoup de pratiques des JDR mainstream. Souvent, les campagnes jouées alternent entre des phases de contrainte d’Action et des phases plus libres où les joueurs ont tout loisir de s’occuper de questions annexes et personnelles.
Une liberté d’Action permet aux joueurs assis à la même table de jouer des trames dissociées les unes des autres. Dans la majeure partie des cas, dans un soucis d’unité, les histoires se recouperont à un moment ou l’autre de la partie jouée, mais il existe des techniques permettant de ne pas avoir à s’en soucier (voir Polaris dans le tableau d’exemples).
Cette dimension propose de prendre en compte le fait qu’on s’intéresse davantage aux histoires des autres si elles sont liées à la nôtre et forment un tout cohérent.
Dans le cas contraire, il est important que les joueurs désolidarisés puissent interagir avec le joueur actant (dont les actes construisent ou font avancer l’histoire) y compris si leurs PJ ne sont pas présents.
Le Focus
Le Focus est la manière dont la parole est répartie entre les participants, donnant le devant de la scène ou « temps d’antenne » à certains joueurs ou d’autres.
Une contrainte de Focus proposerait par exemple d’organiser la partie en scènes successives, centrant chaque scène sur un des PJ, lui donnant un « temps d’antenne ». Généralement chaque joueur peut intervenir dans une scène qui ne se focalise pas sur lui. Une variante consiste à scinder le temps de parole en « narrations » pour les jeux où la posture de Metteur en scène (voir Director Stance) est importante.
Une liberté de Focus permet généralement à tous les joueurs d’intervenir à tout moment (généralement quand la situation fictive le permet). Dès lors que les PJ sont séparés, généralement une technique de découpage du temps de jeu est mise en place pour éviter une attente trop longue. Souvent, le MJ régule de lui-même la répartition de la parole.
Cette dimension pose la question de la manière dont la participation de chacun est régulée ou non, mais aussi de la mise au devant de la scène d’un personnage à la fois, de tout un groupe, ou simplement des joueurs les plus entreprenants.
La liberté de Focus tend à privilégier les joueurs prolixes, proactifs.
Les contraintes de Focus proposent de donner un temps d’antenne à tous les PJ et donc à tous les joueurs.
L’Espace
L’Espace concerne la mobilité des PJ, leur liberté de mouvement.
Une contrainte d’Espace tend à fortement localiser les enjeux d’une partie dans un village, une maison, une île etc. Un scénario présentant une succession de lieux qui sont des passages obligés utilise une contrainte d’Espace. Parfois, il est (quasi) impossible de s’échapper du lieu de l’histoire, notamment durant les parties où les joueurs seraient tentés de faire fuir leurs PJ assez rapidement (histoires d’horreur notamment).
Une liberté d’Espace laisse toute latitude aux joueurs de faire voyager leurs personnages dans les directions qu’ils souhaitent, comme de rester sur le même lieu si c’est ce qu’ils désirent.
Cette dimension nous interpelle sur le fait que la liberté n’est pas toujours bonne :
De manière générale, une liberté de mouvement totale implique que les séparations de PJ peuvent compliquer la gestion du jeu, la longue distance devenant parfois un obstacle lorsque les joueurs tentent de se retrouver. Il n’est pas toujours aisé de faire collaborer un groupe de joueur qui possède une pleine liberté d’Espace.
Limiter la liberté de mouvement des PJ permet de les réunir facilement en règle générale et donc de leur faire partager des scènes en commun plus facilement.
Application
Si l’on veut donner une liberté importante dans une dimension, il faut contraindre les autres. En effet, un jeu où les joueurs ont chacun un objectif différent, peuvent aller où il le souhaitent librement sans structurer la répartition de la parole, prend le risque de tourner rapidement à une succession de bribes d’histoires sans liens, avec des temps de jeu long sans aucune interaction entre les PJ, avec beaucoup de moments où les joueurs vont quitter la table quand ce n’est pas leur tour de jouer, voire cela peut se transformer en combat pour avoir la parole entre les participants.
Pour finir, voici une liste de jeux et l’agencement de leurs trois dimensions :
Jeu | Action | Focus | Espace |
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Dogs in the Vineyard de Vincent Baker | Contrainte avec liberté d’évolution : les PJ ont pour mission de traquer le péché dans les villages qui leurs sont assignés. Les situations n’étant jamais blanches ou noires, ils sont parfois amenés à dévier de leur but premier |
Libre :
il n’y a pas de répartition de la parole ou du temps d’antenne, les joueurs peuvent intervenir quand ils le désirent |
Contraint :
chaque partie se déroule dans une ville ou un village dans lesquels le MJ a placé des problèmes à résoudre ; les PJ sont responsables du devenir de ce village et des sanctions peuvent être appliquées s’ils font preuve de négligence |
Innommable de Christoph Boeckle (version 008) | Contrainte avec liberté d’évolution :
au départ, les personnages sont généralement juste au mauvais endroit au mauvais moment, mais rapidement, ils devront défaire la menace et ceux qui profitent de son pouvoir occulte ; cependant, les joueurs peuvent rapidement appréhender la situation à leur façon et décider d’aller aider les forces obscures |
Libre :
il n’y a pas de répartition de la parole ou du temps d’antenne, les joueurs peuvent intervenir quand ils le désirent |
Contraint :
le lieu dans lequel va se dérouler l’histoire (souvent à huis clos) est décidé à l’avance par le MJ et le seul moyen de s’enfuir implique de ne plus pouvoir jouer son personnage |
Bienvenue à Poudlard, un de mes jeux (version de novembre 2011) | Libre :
les joueurs possèdent chacun plusieurs objectifs personnels sans forcément de liens les uns avec les autres, l’amitié entre les PJ invite à participer aux objectifs des autres ; le MJ de son côté amène une intrigue d’arrière plan par séquences |
Contraint :
les scènes sont centrées sur chaque joueur l’un après l’autre ; quand ils en ont chacun joué une portant sur un objectif personnel, le MJ en lance une à son tour concernant l’intrigue d’arrière plan |
Contraint :
les PJ évoluent dans l’école de sorcellerie Poudlard principalement et ne peuvent en sortir que de façon occasionnelle dans des lieux précis (sorties scolaires, vacances etc.) |
Les Cordes Sensibles, un de mes jeux (version de novembre 2011) | Contrainte :
chaque personnage possède un objectif sous forme d’un problème personnel à résoudre |
Contraint :
chaque scène est tour à tour centrée sur un PJ différent, parfois cadrées par le joueur lui-même d’autres fois par un autre participant devenant MJ intérimaire ; le jeu assume le fait de jouer autant d’histoires que de PJ, qui ne se rencontrent qu’occasionnellement, en permettant à tous les participants de jouer dans les scènes des autres, y compris quand leurs PJ n’y sont pas présents |
Libre :
il n’y a pas de contrainte concernant les déplacements des PJ |
Polaris chivalric tragedy at the utmost north de Ben Lehman | Libre :
les chevaliers ont le devoir de protéger leur peuple, mais les véritables enjeux portent souvent sur des choses bien différentes (bien que |
Cas particulier (contraint) :
le jeu est découpé en scènes ; les PJ ne sont pas spécialement voués à se rencontrer bien que cela puisse arriver ; en effet, lorsqu’une scène porte sur un PJ, les autres joueurs jouent des PNJ en fonction de rôles spécifiques |
Libre :
la majeure partie du jeu se déroule généralement au pôle, dans les vestiges de leur cité, mais les PJ peuvent tout à fait voyager jusque dans des contrées lointaines, le fait que les PJ n’aient pas besoin d’œuvrer ensemble facilite grandement l’exploitation de cette liberté d’Espace |
Sens Renaissance de Romaric Briand | Contrainte :
les PJ mènent des actions avec la résistance contre le tyran et son empire ; les enjeux personnels sont joués en dehors des parties groupées ; parfois les joueurs décident de faire changer leurs PJ de camp, ce qui, semblerait-il, peut poser problème |
Libre :
il n’y a pas de répartition de la parole ou du temps d’antenne, les joueurs peuvent intervenir quand ils le désirent ; il sera cependant souvent bénéfique que les joueurs restent groupés durant les scènes importantes |
Contraint :
le MJ prévoit généralement à l’avance les lieux où doivent se rendre les PJ ; il arrive souvent qu’il y ait des déplacements individuels, mais rarement à grande distance |
Prosopopée, un de mes jeux | Contrainte :
les PJ doivent trouver les causes du déséquilibre du monde et le résoudre ; ils peuvent passer par de nombreux chemins détournés pour ce faire |
Contraint :
la prise de parole est structurée en « narrations », où chaque participant construit la fiction, puis laisse un autre s’exprimer ; chaque narration est exclusive en dehors des dialogues, ce qui régule la prise de parole des participants afin de laisser à chacun la possibilité de s’exprimer et de prendre part à l’Exploration |
Libre :
les causes d’un problème pouvant prendre racine dans des endroits très éloignés et les PJ cherchant tous la même chose, ils n’ont pas besoin d’être présents aux mêmes endroits pour accomplir leur but ni pour s’entraider ; la magie du monde et sa mystique jouent beaucoup sur ce point |
Breaking the ice d’Emily Care Boss | Contrainte :
le but général du jeu consiste à jouer des premiers rendez-vous d’un couple en devenir, les enjeux tournent en grande partie autour de la séduction bien que cela puisse revêtir différentes formes et se faire de milles manières |
Cas particulier (Contraint) :
le fait que le jeu ne se joue qu’à deux et se centre sur la relation entre les deux personnage rend caduque toute considération de liberté de Focus ; le jeu est structuré en alternance de scènes cadrées tour à tour par l’un puis l’autre des joueurs |
Libre :
les scènes peuvent se dérouler n’importe où, tout voyage est possible ; généralement les deux protagonistes seront ensemble |
S/lay w/me de Ron Edwards | Contrainte :
le joueur choisit un objectif, le MJ lui oppose une créature contre laquelle il doit se battre et intègre dans l’histoire une amante, avec laquelle peut se tisser une romance ; les trois enjeux se rejoignent généralement (la créature menace l’amante, constitue un obstacle pour atteindre son objectif etc.) |
Cas particulier (Contraint) :
le jeu se jouant à deux : un MJ et un joueur, il n’est pas nécessaire de structurer la focalisation ; cependant, le jeu est structuré en « Go » qui consistent en une alternance de scènes du MJ avec des scènes du joueur |
Contraint :
on définit le lieu où va se dérouler l’histoire avant la partie et l’on s’y contraint ; cependant, les lieux en question peuvent être vastes |
Si vous souhaitez discuter plus avant des trois dimensions, laissez un message.
Les mécaniques de résolution correspondent à un panel assez large de pratiques. Ce sont les moyens qu’utilisent les joueurs et le MJ pour statuer sur le résultat de décisions fictives pour lesquelles plusieurs participants engagés dans la situation ne veulent pas la même issue.
C’est à la fois un moyen de départager les participants et un vecteur de résistance.
Au cours d’une partie, le meneur de jeu peut décider qu’une action réussit ou échoue, c’est une technique de résolution. Ce qui m’intéresse ici, ce sont les mécaniques formelles : celles qui utilisent des comparaisons de valeurs fixes ou aléatoires quel qu’en soit l’outil.
Pourquoi utiliser des mécaniques formelles ?
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L’impartialité
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La prévisibilité
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L’indétermination
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L’influence
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Les risques
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Catalyser l’histoire
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La spontanéité
1. L’impartialité
Comme je le disais, on pourrait se contenter de laisser le MJ statuer sur le résultat et les conséquences de chaque action, mais il arrive souvent que l’arbitraire des décisions du MJ soient problématiques : comme celui qui décide est juge et partie : il gère l’adversité et décide de ce que ses opposants réalisent effectivement, ses décisions seront souvent perçues comme « trop gentilles » pour éviter de frustrer les joueurs et pour ne pas faire foirer son scénario dans certains cas ou « trop dures » car il a peur de paraître trop gentil ou qu’il ne veut pas que les joueurs avancent trop vite dans les révélations de son intrigue. Même s’il essaye d’être juste, les joueurs ne peuvent en aucun cas connaître les motivations de son choix final. Cela ne permet pas de bien canaliser les frustrations.
L’autorité d’une mécanique de résolution – dès lors que tout le monde est d’accord pour adopter telle et telle technique se place en terme d’autorité – est au dessus de celle de n’importe lequel des participants puisque c’est le groupe par contrat ou consensus qui a choisi ou validé le moyen de résolution.
L’impartialité exige une certaine transparence et un respect des règles établies. Le MJ qui falsifie le résultat contrevient à ce principe et invalide le principe d’impartialité, de prévisibilité, d’indétermination et d’influence ; ce qui revient à jouer sans mécanique de résolution formelle.
2. La prévisibilité
La prévisibilité consiste à maintenir une causalité entre l’intention du joueur, son action et leur résultat. Ainsi, si je décide d’utiliser mon pouvoir de faire tomber la foudre pour faire fuir les opposants, je m’attends à ce que, quels que soient les moyens utilisés, ils répondent à ces attentes : est-ce que je parviens à faire tomber la foudre et/ou est-ce que j’arrive à faire fuir les opposants.
Une bonne prévisibilité implique deux choses : le joueur qui entreprend l’action doit être assuré que le MJ ou quel que soit le participant qui joue l’adversité, ne doit pas déjouer, dérouter arbitrairement son intention ni amener des conséquences qui transgressent la causalité.
Cela se résume à respecter l’échec ou la réussite obtenu mécaniquement et l’implication des actions entreprises et des intentions énoncées, sans quoi la prévisibilité deviendrait caduque.
C’est humain d’essayer de prévoir le résultat de nos actions, si cette prévision est déjouée par la mécanique de résolution, c’est le risque nécessaire ; si c’est le MJ qui décide que non, ça peut sembler arbitraire et illégitime, surtout quand les dés (ou quel que soit l’indicateur de résultat) indiquait une issue positive.
3. L’indétermination
L’indétermination, c’est le fait d’avoir une part d’imprévisible dans le résultat ou les conséquences de l’acte du personnage.
Si le résultat est toujours strictement ce que le joueur veut, prévoit, voire annonce sans possibilité de surprise ou d’enrichissement, alors les événements deviennent trop mécaniques, l’impression de réel est ternie, fragilisée.
Il est donc important de permettre aux participants d’ajouter des nuances quant à la manière dont les choses adviennent et surtout de ne jamais définir à l’avance les résultats des actions entreprises.
4. L’influence
L’influence c’est la façon dont le système permet au joueur d’influer sur l’issue d’un conflit : quand la mécanique se résume à cela : « quand vous tentez telle action, lancez tel dé, si le résultat est équivalent à telle marge, c’est réussi, sinon c’est raté », cela tend à affaiblir l’implication du joueur quant à sa sa résolution. « Le dé décide » entend-on parfois.
C’est la même chose pour les valeurs fixes, le fait d’être soumis à la rigidité d’un niveau (chiffré ou non) sans pouvoir l’augmenter (généralement moyennant contrepartie) tend à affaiblir l’implication du joueur quant à sa résolution.
L’influence peut être amenée de différentes manières :
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faire un effort qui sera mécaniquement récompensé par une augmentation des chances d’obtention de l’issue désirée par le joueur ;
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faire un effort qui sera potentiellement récompensé par un ou plusieurs autres participants s’ils jugent que l’effort fourni est suffisant (ou en proportion de l’effort fourni) ;
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faire un choix, suivre un comportement qui augmente les chances d’obtenir l’issue désirée moyennant cependant une contrepartie ;
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choisir de forcer un résultat non désirée moyennant une contrepartie pour en transformer l’issue d’une façon qui convienne davantage au joueur.
5. Les risques
Les risques sont les conséquences « négatives » d’un conflit (je mets négatif entre guillemets car il peut s’agir parfois de la moins mauvaise issue au conflit pour le joueur qui s’y confronte).
Dans beaucoup de jeux, les seuls risques sont les blessures qui conduisent à la mort, la mise hors jeu et perdre ou casser son équipement. Il y a pourtant tellement à faire : qu’ils soient directs (vise le personnage lui-même), indirects (menace d’un proche par exemple), qu’ils soient physiques, psychologiques, sociaux, qu’ils mettent en péril l’intégrité du personnage, ses buts, ses idéaux etc. le risque est un élément essentiel de la mécanique de résolution.
Quand la mécanique de résolution d’un jeu ne comporte pas de réel risque pour les PJ ou pour ce qui leur est cher, les personnages n’écopent d’aucune conséquence négative lors de leurs conflits. Le seul fait de créer une jauge de vie et une jauge de folie en enchaînant les plaies et les délires psychotiques me paraît être la modélisation de risques la plus basique et inféconde pour l’histoire jouée.
Les risques bien amenés permettent à une relation des PJ de ne pas être uniquement décorative et c’est la même chose pour les causes, les croyances etc. Cela fait participer les éléments de background du personnage aux conflits en faisant d’eux des enjeux, mis parfois en balance avec ce que le personnage cherche à obtenir sur l’instant.
Pour intégrer les risques, vous pouvez déterminer une répercussion des coups adverses sur des jauges, sur les caractéristiques du personnage, sur ses Traits, etc. Le but principal est de créer une conséquence mécanique aux conflits et donc assurer que le personnage ne restera pas inchangé face aux événements importants pour le jeu. Si vous voulez qu’il ne change pas et qu’il soit un héros « intouchable », reportez les risques sur la population qu’il doit sauver ou dont il doit garantir la sécurité, sur ses idéaux etc.
Je pense qu’il y a quatre types de risques :
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les risques directs, visant le personnage lui-même (être blessé physiquement, psychologiquement, socialement, attaqué sur ses croyances, son histoire, ses valeurs etc.) ;
-
les risques diminuant les ressources du personnage et donc sa capacité à atteindre son but (perte de puissance, de points d’une jauge, de ressources matérielles etc.) ;
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les risques indirects, visant ce qui est cher pour le personnage (ses relations, des PNJ qu’il protège, le gain de puissance de l’adversité etc.) ;
-
les risques entachant la réalisation même de l’objectif du personnage (pousser à l’abandon, la trahison, le pousser à utiliser des méthodes répréhensibles, causer des conséquences indésirables entachant la résolution de son objectif etc. ).
6. Catalyser l’histoire
En amenant de l’imprévu et des conséquences fécondes pour l’histoire, les mécaniques de résolution permettent de donner à l’histoire une évolution insoupçonnable, de développer des enjeux, d’en créer de nouveaux, de changer les personnages, ce qui s’avère dynamisant pour l’histoire.
7. La spontanéité
Se passer de mécaniques de résolution formelles ne vous prive pas nécessairement de tout cela, mais pour l’atteindre, il faudra généralement le prévoir à l’avance ou se forcer à le faire. La présence de telles mécaniques n’a pour but et effet que de permettre aux participants d’appréhender tout cela avec spontanéité plutôt que par calcul, permettant d’explorer des enjeux que les participants n’auraient jamais abordé en leur âme et conscience. Cela peut permettre également de mettre de l’inconscient au milieu des choix conscients. C’est une manière de tirer parti de tous les cerveaux autour de la table plutôt que d’un seul.
Les mécaniques de résolution formelles brisent de surcroît la tentation d’être consensuel, ce qui insufflerait une dynamique molle à la fiction.
***
Note : vous remarquerez que dans les mécaniques de résolution comme sur la structure générale d’une partie, principalement dans l’agencement de ses enjeux, il y a une similitude frappante quant au fait que le joueur doit pouvoir se projeter, être incertain de l’évolution de la ou des situations mais avoir une influence sur son issue (voir les articles « faire des ricochets sur l’eau » et « en cause et conséquence de la fiction »).
Je ne mets plus d’énigmes dans mes parties de jeu de rôle. Qu’il s’agisse d’énigmes posées comme tel (le sphinx vous pose une colle) ou d’intrigues sous forme de puzzle derrière laquelle il faut comprendre l’astuce qui mènera les joueurs à la dernière étape, je pense qu’elles souffrent toutes d’un énorme problème : le temps de jeu.
Lorsqu’on joue à un jeu vidéo, par exemple : Silenthill 2, où des énigmes ponctuent l’histoire, ou n’importe quel Point and Click, eh bien si l’on passe 3 heures bloqués sur une énigme, ça ne gâche pas le jeu plus que ça, après tout, c’est un temps nécessaire pour trouver cette foutue clef pour ouvrir la porte du boss. Et bien souvent, on peut aller buter des monstres ou explorer d’autres lieux, pour y revenir plus tard, l’esprit frais… On est bien au chaud seuls avec notre canapé et notre manette.
Mais en JDR, on a une contrainte sociale : on se retrouve à quatre pour partager une fiction interactive, c’est pas pour passer une heure sur six (voire sur quatre) à réfléchir ou à buter connement contre une énigme.
Et là, vous découvrez que l’assassin n’est pas Mister Johnson !
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Phil, le regard dans le vague : « merde, c’est qui alors ? » ;
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François regarde Sophie dans le blanc des yeux ;
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Sophie se gratte la tête : « ben, euh, on n’a plus de suspects » ;
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Le MJ ricane ;
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Phil se gratte le menton « qu’est-ce qu’on fait ? » ;
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François joue avec ses dés ;
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Phil se racle la gorge ;
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ad libitum…
Je caricature… un peu. Faites l’expérience un de ces quatre : enregistrez un de ces moments pendant votre partie. Attendez une semaine et réécoutez-le comme si c’était une séquence d’un film. Même 10 minutes de débats et réflexion c’est vite épuisant.
En réalité, le problème de fond vient du fait que la difficulté d’une énigme est difficile à harmoniser avec la perspicacité de vos joueurs. Si elle est trop facile, elle n’oppose pas vraiment de résistance et s’avère sans saveur, si elle est trop difficile, on se retrouve dans le cas de figure ci-dessus et ça peut vite devenir ennuyeux pour tout le monde. Si l’on arrivait à doser immanquablement, je ne dis pas, ça aurait peut être un intérêt.
C’est sans doute pour ça que les jeux d’énigmes sociaux n’existent pas.
Pour y palier, il y a quelques rustines :
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Les MJ tendent à ajouter des indices pour permettre aux joueurs de comprendre petit à petit un peu mieux le fond du truc ;
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c’est aussi bien vu de ne pas bloquer la partie à l’énigme, il peut y avoir d’autres choses à faire en attendant, mais quand on revient à l’énigme, on a généralement pas réfléchi plus ;
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l’énigme peut même être accessoire, afin d’éviter de bloquer la partie ;
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il y a aussi les énigmes « pour faire semblant » : le MJ propose une énigme dont il sait que les joueurs en ont la clef et donc, ils ne galéreront pas longtemps ;
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enfin, l’énigme que l’on peut résoudre en faisant autre chose (en allant capturer un PNJ, par exemple).
Tout ça pour dire : à quoi bon ? Dans les fictions, les personnages résolvent les énigmes pour le bien du scénario, on ne les voit pas réfléchir plus de 10 secondes. En JDR, on se tape ses moments qui durent parfois une éternité, où on se réunit un soir pour réfléchir collectivement à un problème que l’un d’entre nous a décidé de nous poser parce qu’il en avait envie…
Si vous êtes de véritables amateurs d’énigmes, jouez à des jeux vidéo ou à des jeux d’énigmes. Si vous aimez le JDR, n’y mettez pas d’énigmes.
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