Monostatos, le jeu de Fabien Hildwein est paru.
On y joue des héros rebelles et libérateurs face à l’oppression d’un dieu ayant vaincu tous ses prédécesseurs. Ce dieu offre paix, confort et protection à l’humanité en échange d’une soumission totale à son culte.
Les héros sont des insoumis qui ont pâti du culte et qui veulent vaincre ce dieu médiocre et honni.
Pour avoir relu, testé le jeu et filé un coup de main à son auteur, je vous propose mon éclairage sur son travail.
Voici donc dix choses remarquables au sujet de Monostatos :
1. L’auteur y présente un univers de fantasy personnel, dépouillé de tout folklore « Tolkiennesque », en s’attardant sur la beauté du monde – ses paysages désertiques – ses peuples – inspirés de la Mésopotamie, des cultures Berbères, de l’Égypte antique – ainsi que ses symboles.
2. Le jeu propose aux joueurs des espaces de créativité très grands, puisqu’ils peuvent décrire le décor autour de leurs personnages, faire de la mise en scène et apporter ainsi leur contribution au monde qu’ils explorent. Cela s’accorde très bien avec la description de l’univers du bouquin, parce que l’univers en question est une inspiration pour le MJ et les joueurs, pas un carcan.
3. Le MJ prépare un lieu avant chaque partie avec l’aide d’une méthode rapide à mettre en place et vraiment utile. L’avantage de cette méthode, c’est qu’elle permet de préparer à chaque partie seulement ce qui est utile, plutôt que d’en préparer des caisses ou de lire des centaines de pages dont on ne retirera qu’un dixième. Le MJ présente la préparation de son lieu aux joueurs, ce qui leur permet de connaître l’essentiel afin de profiter de leur liberté de narration tout en étant sûr de ne pas contredire la préparation du MJ.
4. Les joueurs choisissent pour chaque partie un objectif qu’ils pourront atteindre (ou non) à l’issue de votre séance de jeu. Cet objectif pourra être lié à leur passé, à leurs croyances, voire directement à la lutte contre Monostatos et son culte…
5. Les combats sont généralement assez épiques et hauts en couleur et les héros sont véritablement héroïques et admirables. Vous ne risquez pas de mourir bêtement ou de paraître ridicules lorsque vous échouez au lancer de dé.
6. Les mécaniques de résolution sont très simples, elles demandent aux joueurs de savoir prendre des risques, avec une gestion de points permettant de relancer les affrontements. Pas de listes ni de tables interminables d’options, de simulations des probas etc. Tout se règle simplement et de la même manière. Les réussites font avancer les PJ vers leurs buts personnels et les échecs leur infligent des « faiblesses », pouvant les faire échouer dans leurs quêtes. Ne pas savoir abandonner au bon moment, c’est prendre le risque d’épuiser sa réserve de points. Bref, enfin un jeu soutenant une démarche ludiste permettant de jouer des histoires belles et intelligentes.
7. Les mécaniques de résolution gèrent simplement aussi bien les combats que les affrontements psychologiques : haranguer les foules, convaincre un fidèle etc. En somme, vous pouvez aussi bien jouer des joutes verbales, des conflits d’idées que des combats spectaculaires.
8. Les joueurs sont vivement incités à trouver des alliés, tisser des relations et inciter les foules à la révolte contre ce Dieu qui les empêche d’exister pleinement, autant que combattre avec des moyens traditionnels ou surnaturels. Le passé et les relations des PJ ont vraiment du poids dans le jeu ; pour aider les PJ, comme pour les mettre dans de sales draps. La qualité des histoires en bénéficie grandement.
9. Le MJ peut déployer les prêtres du culte de Monostatos pour les opposer aux PJ. Leur influence peut posséder les lieux et les personnes les plus inattendues.
10. Le fait que le jeu soit découpé en scènes permet à chaque participant, joueur comme MJ d’avoir le devant de la scène chacun son tour.
Tout cela est favorisé par le fait que le jeu partage le contrôle de l’histoire entre joueurs et MJ et en utilisant des règles dans ce but plutôt que de tenter de simuler la réalité et de donner au MJ le dernier mot sur tout.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Mélanie m’a demandé après une partie des Cordes Sensibles :
Quel plaisir doit-on retirer à jouer à LCS selon toi ?
Je vous copie ici ma réponse en l’étayant.
1) Le choix
Le premier plaisir que l’on rencontre est celui d’être mis face à des choix moraux. Généralement, la charge émotionnelle tend à être forte à cet endroit.
Par exemple : dois-je protéger ma sœur au risque qu’elle ne m’aime plus ?
Le choix n’est possible que parce qu’au moins un autre participant cadre une scène en y posant un enjeu en lien avec le personnage.
La résistance asymétrique est ici de trois ordres :
- La Confrontation : plusieurs participants veulent des choses contradictoires ;
- La Négociation et le Chantage : celui ou ceux qui jouent l’adversité doivent mettre en balance plusieurs choses importantes pour le personnage, sachant que si le joueur choisit d’en sauver un, il perdra l’autre.
- La Sympathie et l’antipathie : en développant l’histoire du personnage et ses raisons d’agir, un participant cherche à déclencher la sympathie ou l’antipathie pour son personnage auprès des autres participants. Ceux-ci peuvent le manifester par de la reconnaissance (verbale ou non verbale), mais aussi en récompensant d’un don de cartes pendant qu’un Conflit se joue.
Le fait de pouvoir faire éprouver au joueur des émotions est en soi un vecteur de plaisir pour celui ou ceux qui jouent l’adversité.
Un choix moral ne vaut que parce qu’il produit des conséquences.
Le participant qui est en charge de narrer le résultat d’un Conflit entreprend de déclarer les conséquences immédiates.
Celui qui définit les Retombées établit les conséquences psychologiques du Conflit sur les personnages qui l’ont joué ; cela permet également de marquer l’évolution du personnage au fil de l’histoire.
Celui qui cadre une des prochaines scènes concernant ce personnage pourra mettre en scène des conséquences à moyen ou long terme découlant d’un Conflit, ou simplement d’actions précédentes.
Le plaisir d’éprouver les conséquences de ces choix réside dans la possibilité d’obtenir le résultat escompté ou de le voir nous échapper ; être pire ou meilleur que celui escompté. Ceci est un autre vecteur d’émotions essentiel.
4) Le jugement
Chaque participant en vient à confronter les valeurs de chaque personnage aux siennes. Plus particulièrement son propre protagoniste, mais ce n’est pas le seul.
Nous pourrions faire faire à un personnage quelque chose que nous ne ferions jamais. Le décalage entre sa morale et la notre est également un vecteur d’émotions parfois exprimé sous forme d’un jugement de valeur.
Le jugement est important car il est le témoin du bon fonctionnement des autres points.
En mettant en scène une situation, en prêtant un discours à un personnage, en décrivant le décor, les individus, les actes des personnages, en faisant émerger des enjeux, Les Cordes Sensibles nous invite à éprouver notre créativité. Dans les grandes lignes comme dans les détails.
Les espaces de créativité fournis aux participants leurs permettent d’avoir leur mot à dire sur l’évolution de l’histoire, des personnages et du contexte.
L’ensemble des points développés ci-dessus est contenu dans celui-ci. Une bonne créativité catalyse l’intensité de la partie dans son ensemble.
Je viens de décrire la démarche créative des Cordes Sensibles. Bien sûr, on pourrait jouer le jeu en prenant son plaisir tout à fait autrement, mais dans ce cas, on n’utiliserait pas le jeu pour ce qu’il a été fait.
Bonjour à tous,
suite à la fermeture de The Forge et à l’annonce de Vincent Baker qu’il allait mettre un terme à la période forgéenne de sa théorie, je vous propose de faire un petit bilan concernant les démarches créatives et le GNS.
Si vous avez des questions à poser ou des commentaires à faire, n’hésitez pas à les poser ici.
Aujourd’hui, je vous propose un exemple d’application de partage de narration.
Dans Prosopopée, on joue des sages, des vagabonds, voyageant de village en village pour aider les humains à résoudre leurs problèmes avec la nature et le surnaturel.
Les Pj sont censés comprendre le fonctionnement du monde mieux que quiconque, voire, posséder une science des esprits, des choses invisibles etc.
J’avais deux choix : écrire une encyclopédie et laisser les joueurs se perdre dedans à chaque fois qu’un problème se présente à eux, ou alors laisser les joueurs inventer les solutions aux problèmes.
En laissant les joueurs inventer les solutions, on évite toute lourdeur lors des résolutions d’action, les personnages donnent l’impression de posséder toutes sortes de connaissances lorsque les joueurs inventent des remèdes, des théories, des solutions pour rééquilibrer le monde.
Exemple : presque tous les habitants du village sont endormis, il s’agit d’un problème de difficulté 4.
Joueur A réunit ses dés et raconte que dans les marécages à côté, une fleur produit un pollen, parfois utilisé pour ses vertus médicinales. « À trop forte dose, ce pollen devient un puissant soporifique. Je prépare un antidote que j’administre aux villageois. » (Joueur A lance les dés, c’est un succès, il raconte le résultat de son action) « Quand les villageois sont réveillés, je leur explique qu’il suffit de prendre cet antidote quotidiennement pour ne plus succomber au sommeil. Prenez-le tôt dans la journée pour ne pas subir d’insomnies. »
C’est une solution élégante, économique et du plus bel effet pour les jeux de rôle où les PJ sont censés connaître le monde et ne pas être des ignorants, si vous ne voulez pas faire lire une encyclopédie aux joueurs, voire la leur faire apprendre par cœur.
Le partage de narration a également d’autres vertus, notamment pour permettre à un personnage possédant des talents exceptionnels de préserver une image de héros puissant même dans la défaite.
Suite à l’article de Romaric au sujet du « narrativisme », je vous propose une courte définition de mon cru (courte car il faudrait un essai complet pour en faire le tour), synthétisée après de nombreuses lectures de Ron Edwards, Vincent Baker, Eero Tuovinen, Ben Lehman, Christoph Boeckle etc.
Le narrativisme est une manière de prendre plaisir durant une partie de JDR impliquant que tous les participants acceptent de pratiquer la même démarche (sans quoi, pas de narrativisme).
Une démarche narrativiste signifie tirer son plaisir pendant la partie des positionnements pris par les joueurs concernant la fiction et des conséquences (toujours fictives) qui en découlent.
On y compare les valeurs d’un personnage, exprimées par ses actes, aux nôtres (comme on le ferait avec certains films et certains romans, BD etc.).
Pour favoriser cette manière de jouer, on aura besoin de situations où aucun choix n’est, dans l’absolu, meilleur qu’un autre et que l’histoire ne soit pas complètement écrite à l’avance, pour permettre d’explorer les conséquences des choix des joueurs (ce que l’on appelle « story now »).
Le fait que les conséquences des actes des personnages ne soient pas prévues permet de donner du poids au sens qu’ils vont prendre pendant la partie, puisque le joueur était libre de choisir telle ou telle issue. Par ex : le joueur choisit de sauver son frère au lieu de le punir pour ses péchés (situation type de Dogs in the vineyard*), nous avons à présent tout l’espace nécessaire pour voir si le frère ne va pas sombrer dans une déchéance pire que ce que le châtiment des PJ aurait pu produire, et se demander : n’aurait-il pas mieux valu le mettre en prison comme le proposait un autre joueur ? Oui, mais qu’aurais-je pensé de mon personnage si j’avais fait ce choix ? Et comment l’aurais-je pris si cela m’arrivait à moi-même, dans la vraie vie ?
* Je tiens à préciser qu’il ne s’agit que d’un exemple qui ne saurait tenir compte du vaste champ d’histoires jouables dans cette démarche créative. Le nombre d’histoires possibles et de choix à portée morale est immense et tout à fait insoupçonnable.
Les conflits sont les nœuds d’une partie narrativiste car ils sont les moments charnières entre le positionnement (comment je choisis de faire agir mon personnage) et les conséquences des actes.
Un jeu qui cherche à soutenir une telle démarche devra permettre de créer des situations posant des choix de ce type, proposant des mécaniques de résolution confrontant les joueurs aux choix moraux. Enfin, le jeu doit faire en sorte que le déroulement de l’histoire ne soit pas complètement prévu à l’avance.
***
Cette explication m’est imputable en grande partie, tout comme ses éventuelles approximations.
Toute question est bienvenue.
Bonjour, voici un index de tous les articles postés depuis le début de ce blog.
Un grand merci à Fabien pour son travail de relecture et de conseil depuis fin 2012.
Création de jeux
- Avantages et limites de la Compensation 2 : le lâcher-prise
- Avantages et limites de la Compensation 1
- Portrait théorique de Démiurges : Complet !
- Article Maraudeur « Se libérer des paradoxes du scénario »
- Vide fertile : la spirale invisible
- Comment écrire un scénario non dirigiste ?
- Comment motiver un joueur à adopter un comportement donné ?
- De l’ambition au savoir-faire
- L’analogie du jeu d’échec
- Le système de jeu de rôle
- JDR traditionnel et JDR à autorité partagée
- La simplicité (par Thomas Munier)
- Pourquoi j’écris des jeux de rôle (ma lettre d’amour au JDR)
- Organiser une partie test
- Monostatos héroïsme subversif dans un univers désertique
- Anatomie des Cordes Sensibles
- Partage de narration, exemple : les sages de Prosopopée
- Centraliser ou partager l’adversité
- Pourquoi nous lançons des dés
- Espaces de créativité
- Incompatibilité entre la préparation des PJ et le scénario
- Mushishi, inspiration pour Prosopopée
- Les contraintes et habitudes
- Question de choix
- Les trois dimensions
- À propos des mécaniques de résolution
- La résistance asymétrique
- Méthodologie
- Les niveaux d’un système
- Organisation des objectifs des personnages
- Qu’est-ce qu’un Maître du jeu ?
- Les situations de crise
- Responsabilité et propriété
- Le JDR est potentialité
- La rédaction d’un jeu influe-t-elle sur sa pratique ?
- Incomplétude et texte de jeu
- Le GNS est un outil
- De la scénarisation – 4 – Les antagonistes
- De la scénarisation – 3 – Les clefs
- De la scénarisation – 2 – Les obstacles
- De la scénarisation – 1
- Question de méthode
- Scénario en arborescence
Réflexions de fond
- Ma démarche théorique
- Combativité et Absorption
- L’influence des joueurs sur la fiction
- Différents degrés d’impact des joueurs sur l’histoire
- Récits en fractale (article sur le webzine l’Intermède)
- 3 questions dramatiques
- Résumé de podcast : Tout jeu de rôle partage la narration
- Spécialiser un jeu élargit le champ des possibles
- Le Positionnement, qu’est-ce que c’est ?
- Des flèches et du Positionnement
- L’analogie du jeu d’échec
- Le système de jeu de rôle
- JDR traditionnel et JDR à autorité partagée
- Comprendre le simulationnisme à travers Prosopopée
- Anatomie des Cordes Sensibles
- Discussion sur : les démarches créatives
- Un petit retour sur le Narrativisme
- JDR classique
- Pourquoi nous lançons des dés
- Espaces de créativité
- Un contrat social sain
- Question de choix
- Retour sur la synesthésie
- La résistance asymétrique
- En cause et conséquence de la fiction
- Faire des ricochets sur l’eau
- La volonté et le monde
- Émetteur – récepteur : une histoire de jugement
- Qu’est-ce qui n’est pas du jeu de rôle ?
- Qu’est-ce qu’un Maître du jeu ?
- Podcast – Le Big Model
- Responsabilité et propriété
- Podcast Art et JDR
- Le JDR est potentialité
- Le réalisme est une chimère
- Pour en finir avec : la classification des arts
- Le GNS est un outil
- De la potentialité artistique du jeu de rôle
- La Synesthésie
- Schémas d’évolutivité narrative
Pratique
- Article Maraudeur « Se libérer des paradoxes du scénario »
- Organiser une partie test
- Anatomie des Cordes Sensibles
- Incompatibilité entre la préparation des PJ et le scénario
- Les discussions interminables entre joueurs
- Question de choix
- Les énigmes
- Les trente-six travaux (d’Hercule) du MJ
- Les rôles contradictoires du MJ
- Paradoxe rôliste
- Qui conduit l’histoire ?
- Le GNS est un outil
Parler de JDR
- Pourquoi j’écris des jeux de rôle (ma lettre d’amour au JDR)
- Comment expliquer le JDR à des non-initiés ?
- Les mots à éviter
- L’expérience rôliste est ineffable
Qui est en charge de l’adversité dans votre jeu ?
Cette question est de première importance pour la conception de vos jeux (dès lors que vous souhaitez sortir des schémas traditionnels).
Voici les quelques règles à prendre en compte :
- jouer un personnage et son adversité en même temps, c’est ennuyeux (c’est ce que l’on appelle « principe de Czege », énoncé par Paul Czege sur The Forge et qui revient régulièrement dans les discussions) ;
- cela signifie que vous aurez, dans la majorité des cas, besoin de différencier les rôles des participants, de façon à ce que certains jouent l’adversité pendant d’autres jouent les protagonistes ;
- l’adversité nécessite toujours un minimum de préparation, que ce soit par les buts ou les problèmes des personnages (cf. My Life with Master de Paul Czege), une situation de crise, une intrigue (cf. Dogs in the Vineyard, Innommable), voire, la structure-même de jeu (cf. Zombie Cinema) ;
- l’adversité peut être centralisée sur un participant ou répartie sur plusieurs, c’est ce que nous allons creuser à présent.
Note : tous les schémas présentés ci-dessous peuvent fonctionner avec des rôles fixes ou par alternance.
a) Adversité centralisée
Un participant produit de l’adversité pour tous les autres. Dans beaucoup de JDR, les PJ peuvent s’affronter, mais ce n’est pas toujours l’un des buts du game design ; on peut également envisager que ce ne soit pas pris en compte ou encouragé par le jeu.
Rôles par alternance
D’une scène à l’autre ou à des moments clé, le participant produisant l’adversité échange son rôle avec un autre, le précédent joue alors un PJ créé à l’avance ou à la volée (cf. Monostatos, Innommable ou Gloria).
À noter que dans un jeu tel que Monostatos, chaque scène jouée est centrée sur un PJ ou sur le MJ ; les autres joueurs peuvent décider d’intégrer à tout moment leurs PJ dans la scène d’un autre ou bien aider aux descriptions du décor et des PNJ. Ils peuvent de cette manière contribuer à l’adversité. Si tel est le cas, on permute vers un schéma de type c).
b) Adversité inter-PJ
L’adversité inter-PJ possède une structure similaire à l’adversité centralisée (a), à la différence que l’adversité entre PJ revêt une certaine importance dans la construction du jeu.
L’adversité inter PJ peut être un moteur du jeu (cf. Zombie Cinema) ou émergente (cf. Dogs in the Vineyard ou Poison’d).
Dans Zombie Cinema, un joueur cadre une scène problématique à tour de rôle. La progression des zombies est signifiée par un pion sur une sorte de « jeu de l’oie » qui menace à tout instant de rattraper les pions des joueurs. Pour avancer sur le plateau et donc se mettre hors de danger, les joueurs doivent jouer des conflits PJ à PJ. Ici l’adversité entre PJ est donc centrale.
Dans Dogs in the Vineyard, le MJ dresse une situation ambivalente où les PJ auront le même but : traquer le péché et rendre la justice, mais l’ambivalence des situations tend à amener fréquemment les PJ à des désaccords, elles sont faites en partie pour ça. Les mécaniques de résolution du jeu sont faites pour pouvoir gérer les conflits entre PJ.
c) Adversité centralisée + personnages neutres
Ce schéma centralise l’adversité sur un participant principal contre un protagoniste et offre à un ou plusieurs participants de jouer les électrons libres, c’est à dire de choisir de soutenir l’un ou l’autre des deux partis.
Par exemple : dans Polaris de Ben Lehman, le Cœur joue le protagoniste de l’histoire, le Fourvoyé joue l’antagoniste principal et les deux Lunes jouent des PNJ liés au protagoniste pouvant jouer plus ou moins avec ou contre le Cœur.
Dans les Cordes Sensibles, le Metteur en scène cadre une scène autour d’un Protagoniste (PJ) en y intégrant l’adversité. Les joueurs restant (s’il y en a), peuvent intégrer leurs PJ ou jouer des PNJ et soutenir le protagoniste ou le confronter.
Ces deux jeux échangent les rôles à chaque scène, chaque joueur peut être tour à tour protagoniste, adversaire principal ou personnage neutre.
On peut également envisager d’utiliser ce schéma sans alternance. Il est généralement utile pour développer des histoires centrées sur un seul protagoniste à la fois.
d) N opposants, N protagonistes
Vous pouvez bien sûr imaginer toutes sortes de configurations, 1 PJ et plusieurs MJ, plusieurs PJ et plusieurs MJ, jouant des adversités préparées ou émergentes. Vous pouvez également ajouter des personnages neutres à votre guise, toutes les configurations sont possibles.
Questions bienvenues.
Je remarque que j’emploie souvent cette appellation et afin de dissiper tout malentendu, je voudrais expliciter ce que je mets derrière.
Un JDR classique est un jeu ou une pratique qui donne au MJ le dernier mot sur tout*.
Cela signifie qu’il est au dessus des règles du jeu, qu’il peut les ignorer, les modifier, en créer à loisir, que tout ce que disent les joueurs est soumis aux règles et l’est également au jugement du MJ.
Il décide s’il y a ou non une préparation de partie, quelle forme elle prend ; quels enjeux il soumet aux joueurs ; quelles sont les responsabilités de chacun ; quand on lance les dés ; il vérifie la validité des participations de chacun ; il juge la qualité des propositions des participants, etc.
Les jeux non classiques sont donc ceux qui placent les règles au dessus du MJ et les joueurs sur le même plan que le MJ voire, comme Innommable, soumettent le rôle de MJ à des règles.
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* J’emprunte cette définition à Vincent Baker, si vous souhaitez en lire plus, suivez ce lien (en anglais) : http://www.lumpley.com/comment.php?entry=55
Cet article complète l’article du 21 novembre 2011 À propos des mécaniques de résolution.
En JDR, les participants ont, au cours de l’évolution de l’histoire jouée, des désirs contradictoires autour de la table, par exemple : joueur A veut sauver PNJ1, tandis que le MJ veut lui mettre des obstacles et que joueur B préfèrerait d’abord combattre PNJ2. Ces oppositions sont nécessaires, c’est grâce à elles que l’on peut rencontrer la fameuse résistance asymétrique.
L’opposition est utile : c’est parce qu’un participant défend un cause et un autre une cause adverse que l’on crée de l’histoire et des enjeux. L’opposition entre participants (joueur/joueur ou joueur/MJ) est donc utile à l’évolution de l’histoire et de la partie à condition qu’elle soit dénuée de tensions entre les participants. Les règles du jeu permettent généralement d’éviter que les participants en opposition s’entêtent de façon stérile pour désigner le vainqueur dans chaque situation comme d’éviter que les décisions prises par le groupe ne paraissent injustes ou arbitraires.
On lance un dé, vous êtes départagés, explorons la prochaine situation. Le dé, comme la plupart des règles d’un jeu de rôle, aide à tirer le meilleur parti des oppositions en évitant les tensions entre individus.
Explications…
Pourquoi lancer un dé ? Pourquoi ne pas simplement laisser un arbitre décider qui gagne ?
Laisser un arbitre statuer sur qui remporte une opposition est partial et peut conduire les participants à légitimement négocier, remettre en cause le jugement, voire trouver ses propres actions vaines.
Les dés, comme les cartes et tout autre moyen d’obtenir de l’incertitude (jetons à miser secrètement, dépense tactique de points, chifoumi etc.) sont impartiaux et c’est ce qui fait leur intérêt dans le cas spécifique où vous devez départager deux participants face à des actions antagonistes.
Soyons clair, le MJ n’est dans la plupart des cas pas impartial, autant son jugement comme celui des joueurs entre eux peut être d’un grand intérêt pour le jeu quand il s’agit d’approuver le déroulement de la partie, autant il ne devrait pas statuer sur les oppositions entre participants pour deux raisons :
- car il joue généralement lui-même l’adversité : dans ces conditions, il devient juge et partie et ce positionnement déclenche des injonctions contradictoires ;
- car le jugement d’un tiers n’est pas neutre : un MJ, même s’il cherche une forme d’objectivité sera toujours biaisé dans son jugement par ses relations avec les autres participants, par son humeur, par le besoin de faire évoluer son scénario comme il le souhaite, arrivant, malgré la meilleure volonté du monde, à porter des jugements inéquitables.
Quand un joueur ressent de l’injustice dans le jugement du MJ, il ne peut plus jouer le jeu pleinement, car les règles ne lui permettent pas de savoir vraiment comment résoudre une opposition à son avantage. Quand cela arrive, le joueur risque de perdre le sentiment que ses actes ont de l’importance et une emprise sur l’évolution de la situation.
C’est là que le dé – ou n’importe quel élément pourvoyeur d’incertitude quant à l’issue de l’opposition – entre en scène : comme le résultat du dé n’est contrôlé par aucun participant, il est plus facile de s’en remettre à lui, dès lors que tous les participants se sont mis d’accord sur le fait que c’était ainsi qu’ils allaient résoudre les oppositions.
Le dé obtient une posture supérieure à celle du MJ et de tous les autres participants en matière de résolution des oppositions (en dehors de toute question de triche qui relève d’un problème de contrat social), le MJ ou l’animateur de la partie peut se concentrer sur ses autres tâches.
Le cas du MJ qui falsifie le résultat du dé derrière son écran pose la question de la transparence, j’y reviendrai dans un prochain article.
Le dé permet également de briser le consensus. Le consensus entre les participants sur la manière dont une opposition se résout est une entorse au principe de « résistance », fondamental au JDR : imaginez que vous jouez un combat contre des créatures, et là, un joueur dit : « je pense que les créatures devraient gagner, car elles sont plus nombreuses ! », un autre ajoute « oui, mais c’est un grand guerrier et aussi nombreuses soient-elles, il devrait pouvoir les repousser au moins… »
- Dans le cas où les participants parviendraient à se mettre d’accord ainsi, la résistance disparaîtrait et l’histoire évoluerait de manière convenue, sans sel et sans surprises ;
- dans le cas où les participants ne parviendraient pas à se mettre d’accord, l’opposition dans le jeu permuterait en un conflit entre les personnes réelles.
Voter pour désigner le vainqueur ?
Le vote crée de l’imprévu, mais reste partial, les participants voteront pour ce qui les arrange, non par soucis de neutralité. Quand vos partenaires ont voté pour une solution que vous trouvez mauvaise ou tout simplement dommage, la responsabilité en revient aux votants c’est pourquoi le vote ne canalise pas les frustrations.
Compensation par habitude
Il arrive cependant qu’avec l’habitude de jouer ensemble, des groupes connaissent si bien le fonctionnement de chacun qu’ils sachent ce qu’ils doivent faire pour obtenir une issue positive lors de débats et autres conflits sociaux par exemple. Dans ce cas, on finit par une résolution semi-consensuelle : les participants cherchent à se conformer à ce qui est attendu d’eux plutôt que de trouver des solutions créatives inattendues, de plus la résistance s’en trouve affaiblie.
Ok, mais le dé décide à notre place, est-ce mieux ?
En effet, le dé peut désengager le participant vis à vis de son résultat par absence de moyen de l’influencer. Dans ce cas, le jet de dé devient un piège à éviter pour les participants, au lieu de devenir un moteur à enjeux. Beaucoup de rôlistes jouent à « surtout contourner les épreuves pour ne pas subir le hasard ». Je suis même convaincu que la mystique rôliste autour des dés découle de ce pouvoir de décision aveugle auquel on se soumet.
En effet, le dé est impartial et produit de l’imprévu, mais si l’on n’a aucun moyen d’orienter ou influencer son résultat, on ne peut pas vraiment s’impliquer dans la réussite de son action, elle nous échappe tout autant que face à l’arbitraire du jugement d’un MJ (hormis qu’avec l’habitude, on peut trouver comment influencer le MJ à notre avantage, ce qui devient plus difficile avec un dé…). Les rôlistes qui limitent l’utilisation des dés ou qui s’en passent tout simplement ont bien perçu ce biais. Mais leurs partis pris ne résolvent pas le problème du jugement arbitraire.
Pour conserver l’aspect positif des dés et se défaire de ses aspects négatifs, il vous faut donner aux participants une emprise sur leur résultat, voici quelques exemples de comment procéder :
- gérer une réserve de dés qui s’épuise au fil de la partie, ce qui peut créer un enjeu pour le joueur renforçant l’enjeu fictif (cf. The Pool) ;
- gagner des bonus en utilisant correctement les ressources du personnage ou du décors (cf. D&D) ;
- gérer des jauges pour pousser le joueur à évaluer ses prises de risque (cf. Monostatos) ;
- tenter d’obtenir le soutien d’autres participants pour augmenter ses chances de réussite (cf. Zombie Cinema) auquel cas, le jugement d’un tiers peut être utilisé comme variable, mais non pour statuer purement et simplement ;
- choisir entre atteindre son objectif ou éviter des conséquences néfastes dues à l’opposition (cf. Dogs in the Vineyard) ;
- etc.
Par ces moyens, vous résoudrez les oppositions avec impartialité et en produisant de l’imprévu, mais en plus, le participant pourra influer sur ses chances de victoire en parfaite connaissance de cause du risque qu’il prend et/ou des choix qui sont à sa disposition. Le joueur devient actif plutôt que passif vis à vis du résultat de l’action et ça change tout.
Ainsi, le participant a une emprise sur l’histoire jouée, sans toutefois pouvoir être sûr de son résultat, il s’agit à mon sens du meilleur moyen de permettre aux joueurs de véritablement éprouver les oppositions et tous les enjeux auxquels font face leurs personnages.
Note : les conflits sociaux sont un cas particuliers, je reviendrai dessus dans un prochain article.
Fortune in the middle (FiTM) – fortune at the end (FaTE)
Ce sont deux principes utilisés sur The Forge, vous pourrez en trouver la définition dans le provisional glossary.
Ces principes expliquent que lorsqu’on utilise un élément pourvoyeur d’aléatoire pour résoudre une opposition, on peut le situer au milieu ou à la fin de la mécanique de résolution :
Fortune at the end : placer l’aléatoire comme une conclusion des actions et partis pris du personnages. Permet d’insister sur la manière dont les choses sont faites.
Exemple 1 : « je me place sur le promontoire rocheux, je lui décoche une flèche entre les deux yeux » [jet de dés : réussi] « La flèche se plante dans son crâne. »
[Jet de dés : raté] « la flèche passe au dessus de sa tête. »
Fortune in the middle : placer l’aléatoire comme une transition entre le pourquoi d’une action (son but réel) et ses conséquences. La manière dont le but est atteint devient une question esthétique.
Exemple 2 : « je me place sur le promontoire rocheux et je lui décoche une flèche entre les deux yeux pour effrayer ses camarades » [jet de dés : réussi] « La flèche se plante dans son crâne, ses camarades horrifiés battent en retraite. » (le texte souligné marque l’énonciation du but).
[Jet de dés : raté] « la flèche se plante dans son crâne, mais ses camarades te foncent dessus de rage. »
Le premier est souvent utilisé par les MJ qui veulent conserver un contrôle sur l’histoire. Si l’on prend l’exemple 2 : le but de la flèche est d’effrayer les camarades de l’adversaire. Avec un FaTE, même si l’action est réussie, rien ne dit que les adversaires doivent être effrayés.
Le second stimule d’importants changements au cours de l’histoire et permet au joueur d’avoir un contrôle sur l’évolution de ses objectifs. Si l’on prend l’exemple 2 quand le joueur rate son jet de dé, il peut manquer d’effrayer ses adversaires en réussissant tout de même son tir, ce qui permet d’éviter l’effet d’échec persistant.
Beaucoup de jeux mélangent les deux en jouant avant la résolution du but de la confrontation toute une série de jets de dés (ou éventuellement d’autres mouvements tactiques) pour résoudre plusieurs actions intermédiaires, ajoutant des enjeux secondaires avant la fin de la confrontation. Les jeux qui n’utilisent vraiment que le FaTE laissent en réalité le MJ décider ce qu’il advient du but sous-tendant l’action, souvent tacite.
Conclusion
Le dé (comme tout élément pourvoyeur d’incertitude) n’est pas fondamentalement un artefact « ludique » hérité des wargames et autres jeux de plateau, son but n’est pas forcément de créer de la tactique ou de la compétition, mais plutôt de statuer sereinement sur l’évolution de l’histoire tout en brisant les consensus, de trancher proprement les oppositions entre participants et d’impliquer les joueurs pleinement dans les enjeux qui sous-tendent leurs actions.
Une partie de JDR où le MJ a un maximum de contrôle devrait laisser aux joueurs au minimum le contrôle de la volonté de leurs PJ. Mais ce n’est pas toujours un acquis. Un espace de créativité est une partie du système qui donne du pouvoir aux joueurs sur certains éléments spécifiques de la fiction.
Les espaces de créativité canalisent les responsabilités, l’emprise des joueurs sur la partie. En donnant d’importants espaces de créativité aux joueurs, le MJ partage un peu de son autorité, il accepte de ne plus avoir un contrôle directif sur la partie. En terme de contrat social, donner une participation plus importante aux joueurs tend à favoriser leur implication dans la partie en les responsabilisant (voir « contrôle coopératif »). La qualité de la partie dépend à présent d’eux autant – ou presque – que du MJ.
Quelques exemples
Voici quelques exemples d’espaces de créativité :
- interpréter un personnage ;
- créativité tactique ;
- zoomer, dézoomer (voir réification)
- illustrer la manière dont une chose prédéterminée advient ;
- inventer une manière d’utiliser un pouvoir « ouvert » ;
- effectuer une narration de résultat ;
- décrire le décor ;
- contrôler des PNJ ;
- etc.
Chacun de ces exemples est pris hors contexte. Il s’agit d’espaces de créativité bruts.
Certains d’entre-eux ont un impact faible sur l’évolution de la partie, d’autres au contraire ont un impact fort.
« Interpréter un personnage », « zoomer, dézoomer » ou « inventer une manière d’utiliser un pouvoir ouvert » sont des espaces de créativité faibles, car ils n’ont que peu d’impact sur le déroulement de la partie.
« Effectuer une narration de résultat », « décrire le décor » ou « contrôler les PNJ » sont des espaces de créativité forts car ils ont un grand impact sur le déroulement de la partie. Généralement, ce type d’espaces de créativité nécessitent un système adapté à l’emprise qu’ils confèrent aux joueurs.
Les espaces de créativité sont intimement liés à la nature des choix que vous désirez explorer dans vos parties. Ils sont un moyen de renforcer l’importance de ces choix, de les développer comme élément fondamental du système.
Implication sur le système
Lorsqu’on donne aux joueurs la possibilité de modifier durant la partie d’importants éléments de la fiction, il faut s’attendre à ce qu’ils interfèrent avec une préparation figée de la partie.
Les espaces de créativité forts nécessitent un système qui prend en compte les incertitudes qu’ils génèrent.
Par exemple, laisser les joueurs effectuer les narrations de résultat durant une partie s’accorde mal avec un scénario prévoyant une certaine évolution de l’histoire, puisque cela renforce l’emprise des joueurs sur son développement. Cette technique s’accorde bien avec des préparations de situation ouvertes, voire pas de préparation de situation du tout.
Décrire le décor s’accorde mal avec un univers figé par avance, puisque les joueurs pourraient être amenés à contredire les informations prévues.
Contrôler les PNJ dilue l’une des principales responsabilités du MJ, cela demande d’adapter le rôle du MJ, voire de le répartir entre tous les participants.
Note : ces espaces de créativité peuvent être complètement dévolus aux joueurs ou partiellement : la narration de résultat par le joueur peut se faire seulement sur les victoires, seulement sur les échecs, sur tous les résultats, à la charge du joueur en position défensive lors d’un conflit, limité ou complètement libre…
La description du décor peut se limiter aux lieux que connaît le PJ, peut être partielle, soumise à conditions ou intégrale.
Contrôler les PNJ peut se limiter aux alliés, à certaines relations du PJ ou être ouverte à tous.
Implication dans la proposition créative
Les espaces de créativité dévolus aux joueurs sont fortement liés à la proposition créative d’un jeu ou d’une partie de JDR, voici différentes manières dont un espace de créativité peut s’inscrire dans une proposition créative :
- dans D&D, les joueurs (pas les personnages) ont comme principal espace de créativité, celui de gérer au mieux les ressources de leurs personnages disponibles et celles du décor, compte tenu des ressources de l’adversaire (avantages de distance, d’angle d’attaque, d’équipement contre équipement, d’utilisation judicieuse des dons, des sorts etc.). Le système est fait de telle manière que les joueurs qui feront les choix les plus efficaces au meilleur moment économiseront leurs points de vie et de magie durant les combats et parviendront mieux à accomplir leurs quêtes.
- Sens propose aux joueurs (et non aux personnages) de se focaliser sur la manière « appropriée » d’interpréter son personnage : les joueurs savent que le MJ juge la pertinence de leurs choix et la qualité de l’interprétation qu’ils font de leurs personnages. Le cadre est l’univers en lui-même et les références sont les « faits » (= traits) notés sur la fiche de personnage, choisis par le joueur lui-même. Durant le jeu, le MJ récompensera, via les « points d’immersion », la créativité des joueurs en jugeant de la pertinence et du respect des faits et de l’esthétique voulue pour la fiction. Ce phénomène se répète de différentes manières à différents niveaux du jeu (la réification fonctionne également sur un principe proche : le joueur précise de quelle manière il cherche à appréhender un problème, le MJ répond favorablement ou non s’il juge l’approche du joueur appropriée et créative).
- Un jeu comme Dogs in the Vineyard propose de jouer des prêtres-juges dont le rôle est de chasser le péché d’une communauté pieuse de l’ouest américain au XIXe siècle. Les joueurs (et pas les personnages) vont donc choisir comment juger les pécheurs (un sermon ou une balle dans la tête ?). Les joueurs peuvent narrer leurs victoires lorsqu’ils remportent un « conflit », mais ils peuvent aussi choisir partiellement les conséquences que le conflit aura sur leurs personnages. Ici, les joueurs ont un grand espace de créativité sur l’évolution de l’histoire : le choix de leurs actes au cœur de situations de crise et l’exploration de leurs conséquences. La préparation de la partie se résume à une série de révélations et maintient une vraie indétermination quant à la tournure que l’histoire va prendre. Ce simple fait offre aux joueurs de décider comment ils vont appréhender et régler les problèmes, ce qui constitue également un important espace de créativité.
- Dans Zombie Cinema, les joueurs (pas les personnages) se partagent les responsabilités du MJ et peuvent donc décrire le décor, les PNJ et l’évolution de l’histoire. Ça c’est un bon gros espace de créativité ! Principalement, le jeu est conçu de telle manière que l’histoire finit par amener les joueurs à faire se conduire leurs personnages comme des héros, des antihéros ou même de parfaits salauds. L’espace de créativité de ZC se focalise sur le caractère vertueux ou immoral des personnages, le contexte étant finalement plutôt secondaire. Les joueurs peuvent soutenir les joueurs en prêtant leur dé durant un conflit afin d’augmenter leurs chances de succès. Ce choix est généralement porté sur la sympathie ou l’antipathie éprouvée à l’égard d’un des belligérants. De même, un joueur peut sauver le personnage d’un autre de la menace zombie en sacrifiant son personnage. On se sacrifie généralement pour les personnages pour lesquels on éprouve de la sympathie.
Vertus des espaces de créativité
L’espace de créativité offre aux joueurs la possibilité de s’exprimer, de participer activement et grandement au développement de la fiction. Ce faisant, ils peuvent orienter la partie de manière à ce qu’elle s’adapte à leurs envies. Le cadre que constitue le système permet d’éviter que les participants ne partent dans des directions incompatibles. L’augmentation des échanges entre les participants favorise l’harmonisation des attentes et de leurs réponses.
Il existe un très grand nombre de façons d’amener des espaces de créativité dans vos jeux ou durant vos parties. Ils n’ont pas besoin d’être très grands pour remplir leur rôle. Quelle que soit leur nature, ils permettent de renforcer la cohésion autour de votre table s’ils sont convenablement soutenus par l’ensemble de votre système.
N’hésitez pas à poser des questions ou à commenter cet article.
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